Mardi 18 juillet à Kitoi c’est ouverture de pêche à midi !!

Depuis hier fin de journée, les chalutiers arrivent un par un, font quelques tours de reconnaissance de la baie, un guetteur dans le nid-de-pie, les équipiers finissent de préparer les filets et le matériel à l’arrière des bateaux. Ils s’arrêtent bord à bord, discutent, rigolent, on reconnait des bateaux vus à Kodiak et même à King Cove.

Certains s’approchent de nous, nous tournent autour et nous demandent gentiment quand on pense partir, puisque la pêche au Chum – Dog Salmon – ouvrira ce mardi à midi pile … Ils nous informent que « ça va chauffer, vaudrait mieux pas être là ». Tout est dit avec sourire et bonhommie, on ne sent aucune agressivité.

Les équipages sont jeunes, les capitaines aussi ; deux-trois loups de mer bien marqués manœuvrent leur navire au doigt et à l’œil, et n’ont pas toujours le discours délicat envers leurs mousses.

Un chalutier s’approche très près de nous, à presque toucher notre coque, et le jeune capitaine nous tend un post-it plié en 4, en nous disant « puisque vous prenez des photos, ça serait cool si vous pouvez m’en envoyer quelques unes ! voilà mon adresse e-mail ! pour une fois que quelqu’un s’intéresse à notre pêche et qu’on peut montrer avec des images comment on travaille, ça serait super ». Je lui tends notre épuisette et il y dépose délicatement son petit papier, puis s’en va d’un coup d’accélérateur.

La matinée passe gentiment, on lève l’ancre et on reste dans les parages, pour observer tout ça. Vers 11h30, Hervé et Nathan (Le Rouge et Le Jaune à nouveau) partent en zozo pour faire des photos de plus près, et observer la scène sous un autre angle, pendant que Hugo et moi, sur Myriades, restons loin de l’arène pour ne pas déranger les pêcheurs. On n’a aucune idée de la manière dont ça va se passer.

Les chalutiers se positionnent plus ou moins proches des rives de la baie, semblent chercher le meilleur angle d’attaque, peut-être cherchent-ils encore à localiser au plus près les bancs de poissons … ? Ca semble clair en tout cas que les saumons continent à vouloir remonter vers la rivière au fond de la baie, et donc continent à s’amasser contre le filet qui ferme le fond de la baie. Donc de manière logique, les chalutiers devraient tenter de les rabattre contre ce long filet pour mieux les piéger dans les leurs …

Midi moins dix, on sent la tension grimper dans la baie, les moteurs sont bien chauds, les capitaines ont la conduite un peu plus nerveuse. Une dizaine de chalutiers près de la rive gauche, une dizaine près de la rive droite, quelques uns au milieu du plan d’eau, un peu plus au large, ils sont 23 à guetter les minutes s’égrainer.

Midi moins cinq, Hugo et moi sommes aussi impatients que les pêcheurs, tendus et pleins d’excitation, attentifs à nos montres et au plan d’eau.

Midi moins deux, midi moins une, toujours aucun débordement, aucun faux pas de la part des pêcheurs, aucun tricheur ni resquilleur, tous respectent la règle : ouverture de la pêche à 12.00.

Midi pile, les moteurs grondent, les étraves se cabrent, le plan d’eau s’anime, chaque chalutier vient de libérer son annexe et s’élance en la laissant sur place, pendant qu’il dévide son filet à fond de train en direction de l’autre rive. Ceux de gauche vont à droite, ceux de droite vont à gauche, tous se croisent au centre, et poursuivent leur route jusqu’à ce que leurs bobines de petites bouées jaunes et de longs filets soient totalement dévidées.

Deux minutes plus tard, le jeu se calme, les bateaux ralentissent et commencent alors les manœuvres pour rabattre les poissons dans les filets.

En regardant la baie depuis le large, on voit une succession de filets jaunes, jolies cordes tendues comme des fils à linge dans les rues étroites dans la chaleur de l’Italie, avec de-ci de-là un chalutier bleu, ou un blanc, ou encore un gris, qui attend patiemment la suite des opérations.

Chaque chalutier rejoint son annexe laissée proche de la rive en formant un grand cercle ; à l’avant, deux mousses frappent l’eau d’une longue perche équipée d’une espèce de cloche (sans battoir) pour faire peur aux saumons et les piéger dans les filets. Chalutiers et annexes se rejoignent, croisent leurs aussières, et là les filets commencent à être hissés sur les chalutiers, emprisonnant petit à petit les saumons qui seront finalement enfournés dans les cales remplies d’eau glacée.

Certains bateaux travaillent ensemble, décidant de fermer une partie de la crique. D’autres ne jouent que pour eux. Plusieurs remettront les filets à l’eau après les avoir sortis une première fois, d’autres ont choisi la rive d’une autre crique, plus éloignée, faisant le pari de récupérer tous ceux qui auront réussi à s’échapper.

Notre zozo pendant tout ce temps est resté coincé derrière le filet du fond de la baie, seul endroit où Le Rouge et Le Jaune se sentaient en sécurité pour observer cette ouverture de pêche. Vers 13h, les voilà qui reviennent, tout contents de s’être fait piégés presque au cœur de l’action. Ils ont tout vu de près, et ont eu le plaisir de savourer pendant toutes les manœuvres les doux gaz d’échappement de la joyeuse troupe de chalutiers.

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