Partis dimanche 10 février vers 13h30, après les derniers échanges avec la famille à terre. Les gars ont l’air sereins et en bonne forme, les trois parents et les deux sisters aussi. Le bateau est prêt, réparé, les problèmes sont identifiés et réglés, les coffres et les réservoirs pleins, il ne manque rien. Peut-être un tout petit peu plus de vent au départ, mais finalement non, ça va.

De ce premier jour, je ne veux rien faire, ne me contraindre ni m’obliger. Si je dois dormir, je dors, si je dois manger je mange, si je dois rêver je rêve. Je suis au clair. La météo annoncée plutôt tranquille nous réserve quelques surprises, un bon vent bien appuyé qui nous fait rouler dans tous les sens sur une mer elle-même pas très au clair, croisée, houleuse et escarpée. Je tente de m’acclimater. Je parle peu. Pas plus que d’habitude, ni moins, mais différemment peu. Comme si les mots ne se formulaient même pas dans ma tête, pas de pensées. Ou très désordonnées. J’ai l’esprit vagabond. Je retiens quelques éléments, dans le désordre : il « faut que » je me fasse un programme pour faire quelque chose chaque jour, quelque chose d’utile et pas seulement de distrayant /  tiens, pas de poissons depuis notre départ, ni même de dauphins / le bruit régulier du tiroir du frigo qui s’ouvre, d’un placard qui se referme, Hervé erre comme un mal en peine à la recherche de quelque choses à se mettre sous la dent / nombre d’heures de navigation estimées : entre 120 et 170 pour les 700 miles nautiques à parcourir (soit à peu près 1300 kilomètres en ligne droite) c’est beaucoup et pas tant que ça / température de l’air : 20° à 17h / l’eau se réchauffe de 0,1° très régulièrement / les voiles se règlent et se dérèglent / un soleil qui se couche dans ses édredons tout roses, dorés, striés de rouge intense, c’est beau /  le bol de spaghetti sauce tomate avalé entre deux vagues sur le pont à l’abri du vent -et qui refroidissent très vite – et le départ immédiat pour aller me coucher, prendre quelques heures de sommeil avant de prendre mon quart / tentative de dormir … c’est comme si j’étais couchée sur le fauteuil passager dans une voiture qui fait une course de côte en montagne, et je n’en suis même pas le copilote mais j’occupe sa place, dans la même impossibilité de voir ce qui se passe dehors. Ca monte, ça descend, ça freine, ça accélère, ça tourne à gauche, ça refreine, ça tourne à droite, ça accélère à nouveau, sans fin, encore, tout le temps / …

Je monte prendre mon quart pas vraiment reposée. Je reste sur le pont, éveillée, les oreilles dans la musique et les yeux dans le noir, blottie dans mes fringues chaudes, mes gants, mes deux vestes, à découvrir des albums que je ne connaissais pas, en m’autorisant de temps en temps à m’assoupir avec le minuteur enclenché. Les garçons m’ont préparé une compilation musicale que je découvre avec ravissement, et j’adore m’imaginer être à côté d’eux à écouter ensemble, sourire à un souvenir, se réjouir d’un nouveau rythme, chercher ensemble de quelle reprise il s’agit, le jeu de la musique, porteuse d’émotions, jolie véhicule de souvenirs partagés.

Deuxième jour en mer, lundi 11 donc, le plan d’eau est toujours aussi vaste et un peu plus agréable pour la navigation. Heureusement ! on arrive à retrouver un peu nos marques, on réapprend à vivre à la gîte, il fait froid dès qu’on est à l’ombre, c’est encore une journée où je ne fais presque rien. Préparer les repas, bouquiner un tout petit peu, roupiller encore, oui, et comme Hervé n’a presque pas dormi la nuit dernière, il tente de récupérer aussi. Pas de souvenirs impérissables de la journée. Juste me dire que ah oui, faut que je me bouge un peu, que je m’organise, me structure et me fasse un programme … je sors la lecture sur le Cap Vert, sur l’apprentissage du portugais et du brésilien, je sors aussi mes feuilles d’exercices pour le dos, et je regarde tout ça, là, posé sur la table, sans rien concrétiser … Repas du soir et hop, au chaud sous la couette avec mon livre, en attendant que Hervé vienne me dire qu’il est l’heure de monter sur le pont. Vers 23h30. Ce que je fais, avec musique et lecture. J’aime et je n’aime pas la nuit en mer, c’est fascinant, et en même temps c’est tellement anxiogène … imaginer les problèmes qu’on pourrait rencontrer dans la nuit noire, ne pas retrouver nos repères, ne pas voir autour de nous ce qui nous entoure … Finalement je ne lis rien, mais je profite de répondre aux mails des personnes intéressées à nous accompagner pendant la traversée. Puis je me pose sur le coussin avec mon minuteur en main, je fais taire mes petits démons et je regarde ce ciel merveilleusement étoilé, lumineux, pas un nuage à l’horizon. Les crêtes des vagues sont blanches, lumineuses, fluorescentes, scintillent comme des myriades d’étoiles filantes sous l’eau, notre sillage s’illumine de flashs et d’éclats blancs, bleu pâle, la magie du plancton dérangé, heurté, électrifié par le choc de sa rencontre avec Myriades. Pas de dauphins ce soir pour venir jouer les fusées sous-marines dans ces eaux lumineuses, c’était tellement beau entre les iles de les voir jouer et nous accompagner dans la nuit, dans leur robe et leur traine luminescente, scintillante de mille feux … A propos d’astres, coucher de soleil cotonneux ce soir. Je vais réveiller Hervé sur le coup des 4h30 et m’enfile dans le lit tout chaud, le laissant à l’humidité du pont et la noirceur de la nuit.

En italique : ce que nous avons communiqué sur notre mappemonde pendant la traversée.

Passage Cap-Vert : Jour 1 (situation après 24 heures de nav, un point sera fait chaque jour à la même heure).

Pour la première journée, Myriades a avalé 167 miles. Cela nous fait presque une moyenne de 7kn, pas mal !! Il faut dire que la météo s’est un peu plantée… Ils nous avaient annoncé entre 12 et 16kn et nous avons eu en réalité entre 16 et 26kn… un peu plus sport pour une première nuit… Tout le monde va bien à bord, on retrouve gentiment nos habitudes de vie à la gîte !Aujourd’hui nous avons un grand soleil, une température de 22 pour l’air et 21 pour l’eau. Côté nav, on est au reaching avec un vent d’est de 14kn, que du bonheur ! A demain !

Mardi 12, b’en voilà, il est déjà 19h et la journée est passée comme un claquement de doigts … j’ai fait deux des choses que je voulais, trois en fait, j’ai lu, j’écris, et j’ai bougé un peu mon corps (y’a du boulot !!!!! plus un muscle, plus de force, …). Hormis ça, … b’en … on a croisé un cargo ! on a dépassé le tropique du Cancer, on est passé à la hauteur de Dakhla, on a publié un post sur la carte de Myriades, on a hissé le code D, déroulé le code D, renroulé le code D, déroulé le code D, (pareil avec le Génois), on a vu quelques oiseaux, une libellule, trois mouches, on a repris la météo deux fois, échangé 1-2 sms avec les garçons, … Ca fait deux jours que je ne bois pas de café, ni d’alcool, c’est assez agréable. Et on va se faire doubler pendant la nuit par un autre cargo. Finalement, on n’est pas si seuls au monde que ça …

Passage Cap-Vert : Jour 2

Salut Salut !! Nous naviguons désormais sous le tropique du Cancer !! Le climat n’a pas changé pour autant … Alors les stats du jour pour les dernières 24h : 145NM (env 6kn de moyenne), mer belle, légère houle, rien à voir avec la nuit précédente, température air et mer à 22,2, code D en l’air (de jour) avec un vent NE entre 8 et 15. Grand soleil, pas de poissons au bout de la ligne, pas d’oiseaux, mais les jeux du plancton lumineux de nuit, ça c’est fabuleux !! UN (1 !!!) cargo sur le radar aujourd’hui, nous ne sommes pas seuls !!! Au menu du jour, maintenant qu’on est mieux calés dans nos biorythmes : un peu de lecture, un film ou deux pour Hervé, tentative d’écriture et d’exercice. Sans oublier les courtes siestes au passage pour récupérer des quarts de veille … BizAvous

 Mercredi 13, non pas comme un vendredi ! belle nouvelle en fin de journée : Hugo a réussi son année !!! Yessyessyessssss youpiiiehheee ! Bravo mon Grand, je suis super hyper fière de Toi !!! A part ça journée toute bleue et super chouette au niveau météo, mer belle et pas agitée, vent stable et doux, on avance on avance, on avale nos miles au kilomètre, nos miles à la queue leu-leu, nos 700 miles ne sont plus que 200 et des brouettes à parcourir. La nuit a été calme aussi, tenu mon quart de minuit à 4h30, réveil à 8h au son des lignes de pêche qui filent et dévident, monter sur le pont pour aider Hervé à relever ses petites bonites, puis à 9h30, retour au lit pour 2h de rab, c’était nécessaire. Hervé a bien dormi lui aussi, ça aide pour l’ambiance et le moral des troupes sur le bateau … 5 dauphins sont venus me dire bonjour cet aprèm pendant la sieste de mon chéri, me distrayant de ma lecture dans la douceur du soleil. C’est pas mal les quarts comme on les fait maintenant : on mange et hop je file au lit, et Hervé vient me réveiller quand il est fatigué, je tiens mes 4 h en alternant lecture, musique, rêveries et sommes quand c’est nécessaire, et après il prend la relève. Cette nuit je n’ai pas du tout dormi, donc du coup la journée est plus mollachue et sans forces, c’est ça qui est con et qui ne m’encourage pas à me bouger, pas de tonus, pas de pêche, pas d’énergie … Si cette nuit est aussi calme que la précédente, je pourrais essayer de sortir mes crayons, pour voir ce que ça fait … mais il faut vraiment une mer calme pour tenir mon quart à l’intérieur. Donc on verra ça en fonction de la météo ! L’eau -qui avait chuté- a retrouvé sa température, back to 22° et ça grimpe gentiment. L’air est toujours frais à l’ombre et dans le vent, j’ai hâte de pouvoir dire au-revoir aux vestes et pantalons, ranger tout ça pour de bon.

Passage Cap-Vert : Jour 3

Nous avons parcouru 160 NM ces dernières 24 heures. Cela nous fait la moyenne de 6.6kn. Le temps est toujours radieux ! Soleil et 22 à l’ombre. L’eau s’est brutalement refroidie cette nuit à 20.5° . O’Malley, notre pilote B&G, fait un job fantastique ! Merci à lui. Idem pour les panneaux solaires et l’hydro Watt&Sea : nos batteries sont quasiment toujours pleines. La nuit a été assez calme, avec une lune à 50% qui s’est couchée vers 2h00 du mat. Vers 4 heures, dans la nuit noire, on a eu un spectacle féérique de dauphins autour du bateau. Leurs déplacements, tout comme celui de Myriades, font s’illuminer les milliers de planctons en suspension dans la mer. On voit donc leur silhouette luminescentes jour et virevolter autour du bateau, MAGNIFIQUE !!! On a fait plus de la moitié du trajet : il nous reste 280 miles à parcourir. Nous devrions arriver vendredi en début de soirée. A demain !

Mercredi 13, jeudi 14 (Joyeux Anniversaire mon Petit Père), les meilleures journées de la traversée à mes yeux, on était amarinés, dans notre rythme, la météo était douce avec nous, les nuits assez reposantes malgré les quarts, complètement dans le bleu et dans la douceur du temps de vivre. Aucune activité particulière, pas de pêche, surveiller les AIS sur l’écran (il faut beaucoup dézoomer pour en voir …), guetter les dauphins, lecture tranquille, cuisine tranquille, siestes tranquilles, les journées passent vite. Et je n’ai pas sorti les crayons cette nuit, non … j’ai préféré admirer le spectacle que nous avions sous les yeux : une eau super calme, scintillante, un ciel parfaitement dégagé avec un joli croissant de lune, des nuages de brume sur tout l’horizon, à 360°, la GV en l’air qui prenait bien le vent, éclairée par la lune et les étoiles, et tout autour de la coque de Myriades, là où l’eau calme se transforme en petite vague d’étrave, et derrière la jupe, dans notre sillage, partout, les planctons tout émoustillés vibraient de leur plus belle lumière. Des étoiles filantes marines, de toute taille, de toute intensité, nous donnaient la sensation de flotter dans les airs, de voler comme le bateau de Peter Pan et de sa Fée Clochette. Vraiment aussi beau que « comme dans les histoires » 😊

Passage Cap-Vert : Jour 4

La chaleur est arrivée ! Il fait 25 et l’eau est presque à 23. On recherche tous les coins d’ombre sur le bateau ! La distance parcourue ce jour est de 155 NM. Bon, on a triché un peu car on a mis le moteur toute la nuit. C’était pétole avec en plus des vagues de ¾ arrière donc on a fait appel à la risée Volvo. Ça nous a permis de remplir nos réservoirs d’eau et de vérifier que l’alternateur n’a plus du tout de problème. Il nous reste un peu plus de 145 NM à parcourir donc nous devrions arriver dans l’après-midi. Ils annoncent un vent de Nord-Est se renforcissant demain dans la journée. On devrait arriver sur Sal avec du 20 à 30kn, un peu plus sport que ces derniers jours… A demain !

Vendredi 15, on arrive déjà !! … Après 5 jours de grand bleu, l’ile de Sal s’approche ; au-dessus de la brume pointent deux petits volcans qui flirtent avec les nuages. La suite de la découverte de Sal, vous pouvez la lire sur l’article « Sal, premières impressions capverdiennes » …

Passage Cap-Vert : Jour 5

Hello Every Body ! Ca y’est, on est arrivés à La Palmeira (avec l’accent portugais, faz favor), Sal, Cabo Verde ! On déboule poussés par 25 kn de vent généreux, avec des jolis petits surfs à plus de 9kn … un régal pour ces dernières heures de nav tous les deux dans le grand bleu. Après 5 jours et 2h30, 901 Nm, un relevé sur les dernières 24h de 159 Nm, soit 6.6kn de moyenne, nous touchons terre, ou plutôt nous touchons le sable, puisque Sal c’est ça : du sable, des petits volcans, du vent et de la poussière, pour ce que nous avons aperçu cet après-midi … Et Sal c’est aussi la fraicheur d’une bonne bière face à la mer, le plaisir de l’horizon stable, des gens qui déambulent … Et Sal c’est l’accueil rigolo d’une petite commerçante Sénégalaise qui nous demande de revenir quand elle aura fini de manger … Et Sal pour ce soir c’est surtout la promesse d’une nuit au calme, à plat, sans interruption, sans lever dans le noir et dans le froid pour aller guetter dehors, une nuit longue, au chaud, et surtout une nuit enfin blottis l’un contre l’autre, avec une grasse mat en note finale … bonne nuit les Famis

On vous embrasse fort, on va profiter de ces quelques jours à Sal, avant de traverser vers Mindelo pour le Carnaval, et pour remplir les frigos pour nos 15 jours (ou moins) de mer à quatre !

Plein de bisous et de pensées cordiales de nous deux à vous tous !!

3 comments

  1. Fin de we printanier à Morgins avec Delphine, puis Marie et Simon. Promenade dans la belle forêt et puis fin de journée calme en attendant la reprise du travail. Pas de coup de vent en vue! Encore un dernier we à la montagne avec Chloé et Ava qui est très bonne en patinettes! C’est rigolo de vous répondre sous forme de journal. Bravo à Hugo.,
    Je vous embrasse fort.

  2. Merci Mel et Hervé, j’ai adoré vous lire. Et les photos qui ont suivi sont magnifiques. Et le rhum, bon, très bon? Et la musique, enivrante? Je me réjouis de vivre avec vous la suite du voyage !!! Bisous tout plein

  3. Oh Merci Merci Mel pour tes écris merveilleux !!on est avec toi , avec vous ,on partage un peu votre épopée et ce que vous vivez !
    C est tellement bien de te lire et de ressentir avec toi tout ces sentiments qui te passent par la tête ! Tu as un talent inné pour raconter et l’écriture
    On pense bien fort à vous et on vous embrasse tout fort
    Guigui et Fifi

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