– les photos vont être rajoutées à l’article sous peu –

Kodiak au fil des jours
3 juillet 2023

Mission à Kodiak : récupérer notre radar qui est bien arrivé chez Martine et Joel, et puis l’installer un jour où la météo le permet .. c’est-à-dire pas de pluie … ce n’est pas gagné !

D’autres bricolages encore bien évidemment, mais surtout le temps de se poser un peu, de voir ce qui est à voir et de remplir les frigos.

Martine propose de venir nous poser le radar au bateau (ils habitent à 5 km) et nous invite à venir passer la soirée chez eux pour faire leur connaissance, ce qu’on accepte avec grand plaisir.

Ils viennent tous les deux nous chercher au port, et on découvre qu’ils ont pêchés d’autres marins que nous ce jour-là, on se retrouve à 3 bateaux français chez eux pour la soirée.

Échanges très sympas autour de la table, partages d’expériences, et grand plaisir de rencontrer ce couple de français installés ici depuis 25 ans, retraités depuis quelques années mais néanmoins toujours très actifs.
Joel était cuisinier et pâtissier, il adore raconter sa vie et tout ce qu’il met en place pour les Natives (cours de cuisine notamment, pour leur apprendre à mettre leurs produits de pêche en valeur).
J’ouvre une parenthèse : les Natives sont les tribus qui ont toujours peuplé ces terres, et qui ont été ainsi nommés par les bien-pensant colons blancs européens, débarquant du Vieux Continent forts de leur omniscience toute puissante … Je referme la parenthèse.
Martine elle est une vraie ambassadrice, et ils passent leur temps à accueillir les navigateurs chez eux. Une autre manière pour eux de voyager. Un couple adorable, le cœur sur la main, comme nos Pépé et Françoise de Mar Del Plata.

Les jours se suivent et se ressemblent un peu, et on a la grande chance d’avoir une météo clémente et plutôt ensoleillée. Ça ne nous empêche pas de sortir avec pulls et coupe-vent, bottes et chaussettes de laine, mais au moins, c’est sec !

On découvre dans les petits musées locaux un peu de la culture aléoutienne, l’évolution des langues, les mouvements migratoires, la rudesse de ce pays, la faune et la flore, les moyens de survivre ici dans des conditions rudes. Kodiak est une ville de 12’000 habitants, 6’000 locaux et 6’000 militaires, puisque c’est une grande base de Coast Guards qui est installée ici. Pas vraiment de centre-ville, les petites maisons de bois sont disséminées dans la verdure le long de deux « high ways » qui circulent dans la nature, sur un petit plateau.

Un aéroport national et un aéroport communal où atterrissent les petits avions, et surtout les hydravions au milieu des waterlylys, ces jolis nénuphars jaunes.

Quelques pubs et bars où tuer les soirées grises, et comme partout, les centres de santé et autres « mains tendues ». 2 supermarchés qui pratiquent des prix prohibitifs, mais tout ici arrive par cargo ou par avion, donc pas vraiment le choix …

J’imaginais Kodiak comme un port plus grand et plus rude, avec une activité plus importante, d’après mes souvenirs de lecture (je vous le conseille : LE GRAND MARIN, de Catherine POULAIN. Le film lui ne vaut pas la peine d’être vu, à mon avis), avec un climat plus brutal et hostile, et puis finalement les bateaux ne sont pas si grands que ça, les pêcheurs plutôt sympas et le climat relativement estival. Mais au cœur de l’hiver, ça doit être une autre histoire … !

Autre lecture qui semble intéressante d’après les interviews écoutées : ALASKA ULTIME FRONTIERE, de Marie-Hélène FRAÏSSÉ. Après l’avoir lu, je confirme : super intéressant, surtout de lire ses récits en découvrant le territoire.

A la lecture des cartes nautiques pour préparer la suite de notre périple, on navigue entre réminiscences russes et réalités américaines, les noms des îles et des lieux se mélangent joyeusement. Il faut dire qu’avant de devenir le 49ème état américain en 1959, l’Alaska (Grande Terre en Aloute) appartenait à la Russie jusqu’à son achat en 1867. Ici sur l’ile de Kodiak (la seconde plus grande île américaine, le saviez-vous ?) on a les villages de Akhiok, Karluk, Chniak, en même temps que des Old Harbor, Womens Bay, Port Lions …Ivanof Bay et Sand Point, Nelson Lagoon et Pauloff Harbor, … on voyage dans le temps et dans les langues.

 

Long Island
4 juillet 2023

Aujourd’hui, c’est l’Independence Day aux USA, grande fête nationale ! Mais ici, dans une petite crique abritée de Long Island, on vit au rythme de la pluie qui tombe et des nuages qui passent.

On est arrivés hier dans l’après-midi sous un ciel qui commençait à dévoiler ses dessous bleus, on a abordé l’île sans pluie, et on a eu l’immense chance de voir le soleil sortir sa tête vers 21h pour notre plus grand bonheur !!! On est à une heure de moteur de la ville de Kodiak, mais on est tout de suite dans un autre monde … retour à la Nature ! on avait hâte.

L’eau est d’un calme absolu, tranquille, sombre, lisse, reflétant la côte sapineuse comme dans un miroir. Le soleil dore les arbres, et met en « double valeur » la beauté de cette nature sauvage, qui semble intouchée, brute, à la fois hostile et accueillante. Les cailloux noirs de la plage sont bordés d’un trait vert tendre, qui s’étend jusqu’aux pieds des sapins. Forêt dense, moussue des pieds à la tête tellement l’humidité est importante ici. Pas d’ours nous a-t-on dit, mais on se promène quand-même avec notre Baer spray au poivre accroché à la ceinture. On n’est pas trop prudents … et moi je suis plutôt trouillarde sur ce coup-là.

A peine l’ancre mouillée, les deux gars sont partis à terre, cannes à pêche à la main pour aller taquiner la truite dans un des lacs de l’île. Le Rouge et Le Jaune ont sauté dans l’annexe, mis les pieds dans l’eau, sorti les roues de l’annexe et l’ont roulée sur la plage, hyper facilement. Puis Le Rouge prend les devants, Le Jaune le suit, et tous deux s’enfoncent dans la grande forêt comme deux petits gnomes qui partent à l’aventure. Ils ont le même âge dans cette aventure ! et Nathan est tellement heureux !! depuis l’âge de 6 ans il demande à son papa d’aller pêcher la truite avec lui, son rêve se réalise enfin !!!

J’en profite pour faire enfin un peu de yoga sur le pont, puisqu’il ne pleut pas. Un collant, 2 pulls, quand le soleil est là ça va, mais c’est quand-même frais ! 12 degrés … j’ai froid aux pieds au bout de ¾ d’heure, et mes doigts ont perdu de leur couleur ..

Retour de mes deux énergumènes tout souriants, ils ont sorti 5 truites de l’eau et en rapportent une au bateau ! Une magnifique truite arc-en-ciel.

Nuit douce et tranquille dans ce mouillage bien abrité, le soleil caresse encore la cime des sapins quand je pars me coucher. Je découvre bien plus tard que les gars ont passé un bon moment à observer une loutre nager autour du bateau, plonger, et remonter un crabe. Puis, posée sur le dos dans l’eau, elle l’a dépiauté et mangé tranquillement au crépuscule.

A peine levée, je vois Nathan se préparer, mais .. tu vas où ? « b’en pêcher la truite ! je veux aller de l’autre côté du lac voir si ça mord aussi … » Donc à 9h30 Nathan est parti avec la VHF dans la poche, sa canne dans la main, le Bear Spray dans l’autre main. A 11h45 on a reçu un appel « Petit Oisillon appelle Aigle Pêcheur, tu es là ? » moi je me marrais comme une tordue à l’écoute de leurs noms de code, et puis Hervé est allé le chercher, et on a récupéré un Nathan extra souriant, de retour avec une jolie petite truite arc-en-ciel de 36 cm, qui est allée rejoindre sa copine dans la poêle pour accompagner notre salade ! trop bien !!!

 

Anton Larsen Bay, chez Midge et Bruce
Mercredi 5 juillet 2023

Grasse mat et départ tranquille vers 11h, on quitte Long Island dans le crachin en se disant que la nav du jour ne va pas être géniale … c’est sûr que quand on ne voit rien à cause d’un plafond de brouillard et de nuages très bas, et qu’on avance dans le gris et dans le gris et dans le gris sans distinguer la délicatesse des côtes, la courbure des criques, la végétation, c’est un peu frustrant. Au moins on peut valider maintenant que notre radar fonctionne bien ! Belles taches rouges à l’écran qui suivent le dessin des côtes sur nos cartes, c’est bon, il est bien calé !

Lorsqu’on a franchi certains caps, on a fortement ralenti le bateau pour essayer d’attraper des saumons à la traîne, mais l’allure est bien trop lente pour les nerfs du capitaine .. il faut avancer à 2 nœuds, autant dire que c’est bien moins intéressant que de pouvoir aller les taquiner en rivière, ce qu’on fera bientôt.

On a pu apercevoir quelques loutres de mer, plus ou moins proches. L’une se baladant sur le dos avec son petit sur le ventre, l’autre passant des heures à se nettoyer la fourrure. C’est un drôle d’animal la loutre quand-même … Elle peut mesurer jusqu’à 1m60, elle a la fourrure la plus dense du règne animalier : 150’000 poils au cm2 !!! c’est ce qui lui permet de ne pas avoir froid dans l’eau, où elle passe la plus grande partie de son temps. Du coup, elle se lustre le poil sans cesse, pour qu’il puisse la protéger car elle n’a pas un pet de graisse sur les muscles. Et pour se réchauffer elle a une autre combine : manger. Jusqu’à 35% de son poids, chaque jour. Ca veut dire entre 6 et 7 kg de poissons, de coquillages, de crustacés qui finissent entre ses griffes.

Et puis elle est maligne la loutre : elle a des petites poches sous les pattes avant, dans lesquelles elle stocke ses proies et les remonte à la surface pour les grignoter sur le dos. Et pour casser ses coques, elle cache un caillou dans une de ses poches pour les fracasser et les manger. Véridique ! Nathan et Hervé ne voulaient pas me croire, mais la littérature marine qu’on a maintenant sur le bateau m’a donné raison, haha.

A Anton Larson Bay où on dort ce soir, coquillages, moules et autres crustacés étaient très présents il y a encore quelques années, mais les 200 loutres qui peuplent la baie ont tout avalé, retirant cette pitance de l’assiette de Mitch et Bruce qui vivent sur la rive depuis 40 ans. On est allé « frapper à leur porte » pour aller les rencontrer, et leur apporter des bisous de la part de nos amis Amanda et Robin (Morgane.ch rencontrés en Polynésie). Mitch nous a accueillis avec ses beaux yeux clairs, belle femme de soixante et quelques bougies, nous tendant la main pour nous dire bonjour. Et quelles mains ! des mains de travailleuse, de pêcheuse, gonflées, malmenées, bien trop grandes pour ce petit bout de femme au sourire si doux. Puis Bruce est apparu avec ses grands yeux rieurs, et nous a invité à venir boire une bière avec eux. Il est natif de Kodiak, elle est anglaise, transplantée comme elle dit dans ce lieu magique, où « on vit tout simplement, et on vit bien ».

Pêcheurs de flétan pendant de nombreuses années, ils ont construit leur maison et toutes ses dépendances de leurs mains, abattus les arbres pour en retirer les planches nécessaires à leur habitation, greniers variés, abris à poules, serres (en plastique) pour faire pousser leurs légumes, four à pizza extérieur, jacuzzi sur la terrasse, créant leur monte-charge et autres treuils de leurs mains aussi, … juste incroyable !

Ils vivent ici loin de tout, quasi en autarcie, avec leurs poules (œufs et viande – 30 poussins arrivent par la poste chaque année pour renouveler les stocks), un couple de cochons chaque 2 ans, les poissons qu’ils pêchent pour leur plaisir et leur production agricole. Pour aller faire leurs appros (riz, sucre, farine, bières …), ils vont en bateau jusqu’à l’autre rive de la baie, récupèrent leur voiture pour ensuite parcourir une piste qui grimpe dans la montagne, et les amène jusqu’à Kodiak. En hiver, la baie gèle, ils peuvent la traverser à pied, et la neige recouvre les collines environnantes.

 

Dry Spuce Island
Jeudi 6 juillet 2023

On a tenté ce matin d’aller marcher un peu sur les rives de l’Anton Larsen Bay, mais en écrivant ceci je réalise qu’on avait nos six pieds sur l’île de Kodiak elle-même, qui dénombre pas moins de 3’000 ours … on portait nos sprays « anti-ours », Mitch et Bruce eux aussi nous avaient dit « chantez, parlez, marchez lentement pour qu’ils aient le temps de s’éloigner, « they are not confrontational  animals » mais néanmoins, on n’était pas rassurés. Ca écourte sérieusement les balades ces menaces sur pattes …

Et puis le spray « anti-ours », c’est juste du poivre (amélioré) sous pression qui va brûler les yeux de celui qui reçoit le jet, a priori l’ours, mais il faut savoir qu’il faut attendre que la petite bête soit à 5-6 mètres pour dégainer, avant ça ne sert à rien … et puis la bombe de poivre est vide en moins de 7 secondes … et elle n’est évidemment pas rechargeable !

Donc le spray, c’est la dernière arme contre les ours. Les « armes » à utiliser avant, c’est le chant, le bruit, les clochettes, tout ce que vous voulez pour être entendus et ne pas les surprendre, et puis c’est de rester calmes et groupés pour sembler plus grand et plus gros qu’eux, et puis c’est de ne pas courir ni prendre la fuite, ni adopter une attitude de victime, mais au contraire s’affirmer doucement mais fermement, par la voix et la posture … mmmmhhh, … ça c’est la théorie ! et on n’a pas du tout envie de se mettre en pratique sur ce coup-là !

Donc peu de temps à terre ce matin, et puis on était surtout tenus par le timing nous permettant de passer la « whale pass », à côté de Whale Island, à côté de 4-5 baleines qui nageaient par-là. C’est un chenal entre îles et îlets où le courant est important, qu’il est juste impossible de fréquenter par courant contraire … La preuve : vitesse bateau ce matin : 5.5 nœuds, vitesse sol : 13.6 nœuds !!! C’est rare de voir la côte défiler si rapidement, et si nous avions dû la prendre à contre-courant, on aurait tout simplement reculé, haha !

La météo nous offre un plafond gris aujourd’hui, mais la visibilité est bonne, on voit bien les rives, les pêcheurs alentours, les loutres qui nagent non loin. On n’est pas surpris par un hydravion qui sort intempestivement du brouillard comme avant-hier, frôlant notre mât avant de poursuivre sa route … il volait « à vue », donc forcément très bas vu le plafond nuageux !

Plafond gris, mais pas de pluie ! bonheur ! en arrivant à Dry Spuce Island, on part se balader à terre, sprays à la ceinture, et on fait rapidement demi-tour, assaillis par des vagues et des nuées de moucherons qui s’envolent au rythme de la marée montante. Peu d’exploration terrestre, mais ravissement du jeu des loutres qui nagent et flottent non loin de nous. Une maman se lave le museau, son petit dort à côté d’elle, flottant peinard sur la grand mare des canards, et lorsqu’elle nous aperçoit, hop, elle le chope par la peau du cou et l’entraine avec elle loin de nous. Trop mignon de les voir évoluer tous les deux, le petit imitant sa maman dans tous ses gestes.

 

7 juillet, en route vers Geographic Harbor

Réveil à 5h10 pour un départ à 5h45, il faut quand-même le temps d’émerger et de mettre la machine personnelle en route avant d’aller relever l’ancre pour quitter notre abri de la nuit. Le frigo déborde de filets de poisson frais, merci Nathan !! Le moteur chauffe, on va pouvoir s’offrir un café.

Le bateau se réchauffe gentiment (un bon souffle de webasto au réveil, rien de tel puisqu’il fait 6 degrés dehors), et surprise matinale, le ciel est complètement bleu ! Ça explique la température si basse. Le soleil rosit les sommets en fond d’écran, leurs plaques de neige se teintent d’or doucement, puis c’est au tour des bords de la rive, et les cimes des sapins attrapent les rayons et se réchauffent. Le paysage entier s’offre à nous, sur un 360 complet, du plan d’eau à l’infini des cieux. L’eau nous propose un reflet parfait du paysage, on ne sait si on a la tête en haut ou en bas.

 

La douceur de ce paysage vaut le réveil trop matinal. C’est magique, paisible, serein, plein de promesses d’une belle journée. Ca réjouit !

On quitte la baie au moteur, on s’extrait de notre abri pour retrouver le chenal principal et on se met en route vers Geographic Harbor, enclave qui se situe sur l’Alaska Peninsula (donc sur le continent) de l’autre côté de Shelikof Strait. Rapidement le beau temps disparaît et laisse la place aux nuages, à la brume, à la bruine. On arrive de l’autre côté après quelques heures (mélange de moteur et de voile), on ne voit pas la côte.

Les éléments sont un petit peu en notre faveur lorsqu’on s’enfile entre les rives (dont les côtes semblent s’élever assez haut) dans un dédalle, véritable tortillard qui serpente entre les ilots, les ilets, les cailloux plus ou moins gros, plus ou moins ronds, plus ou moins foncés, plus ou moins moussus, plus ou moins arbus, plus ou moins pointus … le regard se perd dans les innombrables perspectives qui s’ouvrent au fil de notre chemin. Encore un endroit où on pourrait passer du temps sans se lasser, qui paraît propice à l’émerveillement. Au bout de ce dédalle, une baie toute ronde, où se jettent quelques ruisseaux et une rivière plus importante. Dans les hauteurs, on devenir des pans de montagnes avec des plaques de neige, et des étendues de roche claire. On nous a vanté Geographic Harbor pour ses nombreux ours et ses saumons. Et comme ces derniers sont en retard (la faute à l’eau trop froide), les ours ne sont pas trop là.

La réalité météo nous rappelle au temps présent, avec son couvercle gris qui descend qui descend sur nous. On part hiberner dans notre carré, en attendant (en espérant !) un moment plus propice à l’exploration.

Quelques heures plus tard, un rayon de soleil perce le gris, la marée est haute, le paysage a complètement changé : tout est vert ! là où la rive se dessinait par la roche, les cailloux et le sable, dans des tons gris, brun, ocre, l’eau a tout recouvert et on ne voit que les herbes et les arbres, la mousse et les touffes de végétation, et l’eau elle-aussi adopte cette couleur. C’est assez beau, différent, surprenant.

Un ours observé aux jumelles, de très très loin, tache brun clair dans le vert tendre. Parties de backgamon dans le carré, on met le nez dehors de temps en temps pour guetter d’autres animaux, mais personne ne se pointe. Peut-être demain ? Il parait que la nuit sera belle, sans nuages, et on envoie nos prières à l’univers pour que le « beau temps » soit de la partie …

 

8 juillet, sous le crachin de Geographic Harbor : OOOOOURS !!!

C’est un challenge de trouver de quoi s’occuper quand on est confinés tous les trois dans le carré. L’eau ruisselle sur le pont, la bruine s’infiltre partout, Nathan se marre en regardant Kamlott et Hervé tourne un peu en rond, entre sa série, une cigarette pour aller voir si par hasard un ours ne pointerait pas son nez, se dit que « mince, cette pluie ça m’empêche d’aller bricoler la bâche », et il en est carrément à avoir envie de faire une tarte aux poires … c’est dire !

On a chacun nos écouteurs dans les oreilles, et on vit nos réalités audio et vidéo en parallèle. Drôle de monde, n’est-il pas ? Venir si loin au bout de rien et se mettre chacun dans sa bulle … On vous rassure, on vit ensemble et on « fait » des choses ensemble ; et c’est pourtant un aspect essentiel dans ce voyage de pouvoir par moment s’échapper de la réalité concrète du bateau, de partir loin d’ici, loin de cet espace restreint, loin de ce plafond nuageux et de cet extérieur brumeux. Encore un coin de paradis : magnifique quand on sait qu’on peut en revenir …

En tout début de matinée, un élan et un ours ont délaissé leurs fourrés pour venir brouter près de la petite rivière. UnE élan plutôt, puisque la bête n’avait pas de bois sur la tête. On l’appelle moose en anglais. L’ours (ou peut-être l’ourse pour le coup) avait mauvaise mine, plutôt mince et élancé que rond sur pattes, et puis le poil de la cuisse arrière quasi absent … Les deux foulaient le sable les pieds dans l’eau, dans la grisaille matinale.

En milieu de journée, heure de la marée basse, on décide d’aller voir du côté de la rivière si quelques saumons nagent par là. Des mouettes et autres oiseaux pêcheurs ont pied, et se retrouvent fréquemment par ici. Il doit donc y avoir à manger, donc peut-être des saumons.

On s’équipe (pantalons étanches, veste chaude et veste étanche, bonnet, casquette, gants, bottes, spray à ours, sifflet, appareil photo, ça prend un petit moment …et c’est là qu’on se dit, ah mince, pipi …) et on part en annexe. Ah oui, avant de monter dans l’annexe, il faut en retirer les deux cageots-frigo à légumes et les remettre dans le bateau, c’est pas long, mais c’est juste un truc en plus. Donc on part en annexe et on se rapproche de l’embouchure de la rivière, juste là où l’ours se trouvait quelques heures plus tôt .. b’en oui, au même endroit …

On met pieds à terre, dans l’eau et le sable, jusqu’à mi-bottes (la dernière fois j’ai eu plein d’eau dedans !!) et on est partis, mi-figue mi-raisin, sachant qu’on s’aventurait sur le territoire du plus gros carnivore terrestre … !! et même si ceux qu’on a observé jusqu’ici mangeaient de l’herbe et des racines, on n’a pas envie de se frotter à eux de trop près.

Donc on avance, moi le sifflet sifflant gaiement, ou plutôt sifflant de manière affirmée mais les yeux pleins de points d’interrogation … on avance à peu près en groupe, et on réalise qu’on a de la peine à définir ce que veut dire « avancer de manière groupée » … Luron 1 est à 5 mètres de Luron 2, pendant Luron 3 avance le nez en l’air à 20 mètres de là … Je siffle, ils parlent, on s’appelle, on se retourne sans cesse, on s’arrête tous les 10 pas pour regarder derrière nous, à côté de nous, devant nous, observant les arbres et la rive. On s’éloigne du zodiac, on marche lentement, on se dégourdit les jambes enfin, on avance en direction de la plus grande rivière, pour voir si les saumons … et là quand Hervé et Nathan se retournent, l’ours est là ! sur la plage ! avec nous ! bon, loin de nous, mais quand-même là … AAAAhhhhrgh !!!

Il sort des fourrés, s’avance sur la plage, nous regarde, monte sur ses pattes arrières pour mieux nous jauger, brun foncé en bas, plus clair sur les épaules, il avance … on se regroupe et on se met en route, Hervé marchant vite devant, Nathan lentement derrière, on est tous d’accord pour faire du bruit, je siffle de plus belle, mais on n’est pas d’accord sur la vitesse de pas à adopter, ni même de la direction à prendre … Hervé et moi on veut à tout prix éviter de laisser l’ours s’approcher et se positionner entre nous et l’annexe, pendant que Nathan veut qu’on arrête d’avancer et le laisser partir à la seule force de notre bruit.

On est tous les trois d’accord pour ne pas être agressifs, mais le ton qu’on utilise pour se parler est un peu virulent (oui oui, on est un poil stressés), et l’ours peut bien le prendre pour lui, ou plutôt contre lui. Je demande à Hervé de ralentir, à Nathan d’accélérer, à l’ours de reculer, on essaie de se regrouper pour de bon, et finalement l’ours s’arrête, observe, recule, puis fait demi-tour et part en courant dans les petits arbres … Pffffffff … Grizzlant, non, grisant un petit peu, oui, un poil d’adrénaline nous courant sur la peau tout le long de cette courte balade, et surtout j’ai rarement mis pied à terre en étant tant sur mes gardes, tous les élastiques bien tendus, le cœur battant bien au-delà de son rythme habituel. Grand Ouuufff des trois loustics une fois à flot dans l’annexe.

C’est pas ici non plus qu’on se défoulera à terre, en balade, en vélo ou en crapahutant dans les herbes, l’idée de tomber nez à nez sur un ours est trop limitante, et le risque malgré tout important … Et Nathan qui nous dit « mais de quoi t’as peur ? on a 2 sprays !! » et puis « fallait pas venir en Alaska si t’as peur des ours » et puis « comment tu veux voir des ours si tu siffles tout le temps ? » … … … disons que oui, on a envie de voir des ours, mais que bon, de loin c’est bien. De très loin quand on est à pied, et avec plaisir de plus près si on est dans l’annexe, sur l’eau, à 10-15 mètres d’eux … Comme ils n’ont aucun prédateur qui vienne du monde marin, ils n’ont pas peur de ce qui se balade sur l’eau.

 

Retour sur l’ile de Kodiak – Ounzikie
10 juillet 2023

Météo pas au beau,

le gris chapeau reste coincé non loin de l’eau,

pas de visi pour apprécier le lieu de Geographic Harbor,

on vire de bord.

 

On dort ce soir à Ounzikie, petit village de 100 habitants. Petit port abritant quelques petits bateaux, deux chalutiers, un voilier en vente. Dans les années 60, ils étaient encore 230 à vivre ici. Une église orthodoxe de 1906, encore bien pimpante dans sa robe blanche, avec ses coupoles bleues sur le toit, soulignées d’un fil d’or. 6 cloches dans leur petit logis carillonnent régulièrement. Le cimetière attenant accueille beaucoup de descendants russes, au vu des noms figurant sur les tombes.

On rencontre un natif en short rouge, t-shirt et chemise légère, chaussettes dans ses baskets quand-même, 58 ans, qui nous emmène faire un tour à l’église pour nous en raconter un peu l’histoire, et qui nous amène ensuite à la grande-salle du village pour y voir des photos datant d’il y a 60 ans. La conserverie du village était encore debout, les dorys (petites barques à fond plat) accueillant les saumons pêchés par les chalutiers et les menant jusqu’à l’usine. Le tsunami de 1964 a détruit tout le front du village autour de la baie, mais l’église et quelques maisons ont résisté et sont toujours debout. Il prend le temps de nous montrer les visages de tous les anciens (et beaucoup des siens) dont les photos ornent les murs de la pièce qui sert de cantine, d’accueil parascolaire, de médiathèque, de lieu de retrouvailles pour les âmes qui vivent encore ici.

Les noms des rues nous font rire : F street, Third road, … quand on regarde le plan, on voit un joli quadrillage et effectivement, les rues sont numérotées de 1 à 5, de A à F et portent le nom de leur chiffre ou de leur lettre … Bizarre, alors qu’ils sont tellement attentifs à honorer la mémoire de leurs anciens et à défendre leur langue, leur patrimoine, pourquoi n’ont-ils pas nommé les quelques rues de leur village du nom de quelques notables ou héros ? Aucun ours n’a été recensé ces dernières années, du moins aucun incident lié à un ours, alors on en profite pour aller se dégourdir les jambes jusqu’à la côte de l’autre côté de la colline. Il ne pleut pas, c’est doublement bon !

 

Kodiak, où Hugo nous rejoint enfin !
15 juillet 2023

On profite de trois jours ensoleillés pour se balader un peu en vélo, un peu à pied, faire les rangements nécessaires et les appros pour partir loin de tout tous les quatre, en autonomie pour au moins 15 jours. J’ai même ressorti mes tongs pour quelques heures bien agréables en t-shirt.

Nathan a joué le poisson-pilote pour son frère pendant que Hervé et moi nous occupions du bateau et du reste, il lui a fait découvrir ce qu’il avait apprécié par ici, emmené voir le plan d’eau base des hydravions, l’aquarium où on peut voir tous les poissons locaux, le wild-life-refuge-center où on apprend des choses sur les saumons, les ours, les oiseaux et la faune locale, bref, il a joué le guide local, ravi de cette aubaine.

Ce matin après le petit-dèj, on a rechaussé nos-bottes-nos-vestes-et-pantalons-étanches-et-nos-bonnets, le temps étant à nouveau au gris mouillé, et puis on est partis faire le plein de gasoil et d’essence, juste avant le grand pont de Kodiak qui rejoint « Near Island ». Après s’être chargé de près de deux cents de litres de combustibles, on a mis le cap sur Long Island, petite île non loin de Kodiak. Ile sans ours, donc on a pu aller se balader à terre et les gars ont taquiné la truite (et relâchée !). On a fait le tour d’un lac intérieur, marchant et rebondissant sur un tapis de mousse dense, truffée de toutes petites fleurs blanches.

Avant d’arriver à Long Island, on a pu observer une famille (un groupe en tout cas, 4-5 individus) d’orques en train de chasser. Ils tournaient en rond, encerclant les poissons avant de les avaler. On voyait leur grande dorsale dressée droit vers le ciel, émerger de l’eau, suivie par un dos puissant. C’est un autre animal que la baleine, pas du tout la même attitude, pas la même énergie, pas le même rythme. Là on sent vraiment le prédateur, l’agresseur, le tout puissant. J’ai hâte de pouvoir en observer d’autres, c’est presque hypnotisant comme pestacle, tant c’est inhabituel pour nous. Ils font partie du paysage alaskien, mais on a pu observer plus de baleines et autres mammifères à ce jour que ces gros-là, noir et blanc, un peu flippant.

Et puis la météo se prête fort bien à un met bien hivernal, on termine la journée avec une délicieuse fondue, avant de plonger dans nos distractions respectives. Demain, départ à 10h pour Kitoï, où se trouve une « hatchery », une écloserie à saumons. Il parait que la visite est très intéressante, on y découvrira comment l’homme aide les poissons à se reproduire … et il semble qu’on pourra aussi observer plein d’ours …

 

TSUNAMI WARNING ! YOU ARE IN DANGER !
Long Island
15 encore et 16 aussi, juillet toujours …

Samedi 15 juillet, on finit la soirée tranquille après notre fondue, bien contents de se mettre enfin en route pour partir dans la nature … on se glisse sous la couette vers 23h15, et soudain nos quatre téléphones sonnent en chœur, nous délivrant un petit message fort surprenant, il est 23h24 … : ALERTE D’URGENCE : The National Weather Service has issues a TSUNAMI WARNING ! You are in danger ! Get away ! Move to high ground or inland now.

On se regarde les yeux pleins de ?????, on se demande si c’est sérieux, s’il faut en tenir compte, nos interrogations durent au moins 10 secondes, je décide d’appeler Martine pour savoir si cela fait partie des messages dont on doit tenir compte, ce qu’elle en pense, savoir s’il fallait évacuer, savoir comment ils allaient, quelles étaient les directives, les recommandations … au ton de sa voix, je comprends que c’est sérieux.

Ok. Donc on décide immédiatement de quitter le mouillage de Long Island et de partir en mer. Le message d’alerte demande clairement aux navigateurs de s’éloigner des côtes, et d’avoir au moins 60m d’eau sous la coque pour être à l’abri.

On met la tête à l’air frais, et on entend tout de suite que l’alerte Tsunami et bel et bien confirmée par les sirènes qui sonnent et les grandes lumières allumées dans la nuit qui tombe sur Kodiak. C’est une atmosphère complètement surréaliste. Bizarre. Etrange. Un sentiment d’urgence, de crainte face à cet inconnu jamais rencontré jamais vécu, et en même temps une certaine excitation, sachant que sur le bateau on ne risque rien. Les sirènes qui hurlent au loin, les lumières inhabituelles, le fait d’être seuls et isolés dans un moment où les coudes se serrent à terre, la nuit qui tombe, heureusement la météo est douce et ne nous rajoute pas une dose de stress.

Quelques textos encore échangés avec Martine pour leur souhaiter de prendre soin d’eux, les avertir de notre départ pour qu’elle ne s’inquiète pas, elle nous confirme qu’un tremblement de terre de magnitude 7.5 a eu lieu du côté de Sand Point, à 350 miles nautiques de nous. Sachant que les vagues des tsunamis peuvent traverser plus d’un demi Pacifique, on ne prend pas la chose à la légère.

Pendant la soirée, un bateau est arrivé à côté de nous, sans que nous nous en apercevions (c’est dire qu’il fait super beau et qu’on est beaucoup à l’extérieur … ) Du coup, comme on ne voit personne s’activer, on passe réveiller l’équipage voisin pour être sûrs qu’ils aient bien reçu le message. C’est là qu’on découvre qu’on connait ce bateau et son capitaine : c’est Hervé de Moëz Avel, qu’on avait rencontré au Chili il y a 3 ans …. Flûte alors, on n’aura pas le plaisir de partager un café avec lui pour prendre de nos nouvelles, on doit rapidement trouver refuge loin de la baie.

Réveillés pour réveillés, on décide du coup de partir pour Kitoi, petite baie à 25 miles de Kodiak. C’est notre prochaine étape de tout façon. Vu qu’il est minuit passé, le jour vient de tomber, et se relève dans 4 heures. Juste le temps qu’il faut pour parcourir cette petite distance à faible vitesse, ça colle, on pourra jeter l’ancre dans une nouvelle baie de jour. Ça nous permettra d’être en pleine mer le temps de l’alerte, le temps de voir venir la vague, et d’arriver à notre destination tranquillement au petit matin.

Finalement l’alerte est levée vers minuit et demi, permettant à tout le monde à terre de rentrer chez soi. La vague, on ne l’a pas vue, elle n’est jamais venue !

Un message de Martine vers 1h me confirme qu’ils vont bien eux aussi, aucun dégât, pas de vagues à terre … et nous on poursuit notre route dans une mer très rouleuse et sans vent, c’est pas du tout agréable.

Et puis à 5h30 ce matin du 16 juillet, on pose l’ancre dans la baie de Kitoi, et on part se coucher quelques heures alors que le soleil vient de se lever derrière les nuages gris …

Les gars (qui ont dormi quelques heures, eux) émergent et décident d’activer les cannes à pêche. Quelques minutes après, je suis déjà bien au chaud sous la couette, j’entends Hugo qui jubile « Ours ! Ours ! Oooours !! ». Et puis je n’entends plus rien.

Quand j’émerge quelques heures plus tard, aucun poisson n’a été sorti de l’eau, certains dorment encore, d’autres y retournent, un troisième pêche inlassablement, et les poissons continuent de sauter partout autour de nous. Nathan me fait l’inventaire de tout ce que j’ai raté en allant me coucher alors que le jour débutait : un renard, un cerf, deux ours, plein de saumons, des aigles pygargues, des harles, des méduses, des martin-pêcheurs … b’en dis, il y a une sacré foule animalière par ici, c’est génial ! La journée va être chouette !

On a voulu aller visiter l’Ecloserie à saumons, mais c’est dimanche, ils ne travaillent pas. Ils rangent tout ce qu’ils avaient embarqué avec eux sur la colline lors de l’évacuation Tsunami, qui leur aurait permis de vivre et survivre quelques jours si une vague était venue percuter le fond de la baie ici. Donc on ira visiter demain.

Et je vous raconterai demain aussi la journée de pêche des gars. Mille bisous en attendant, là les yeux se ferment, la nuit précédente a été courte et surtout remuante, dans tous les sens du terme !

 

Journée de pêche à Kitoï
16 juillet 2023

A peine arrivés à Kitoï, les gars ont mis les cannes à l’eau pour voir ce qui y mord … il faut dire que les poissons ne cessent de sauter tout autour de nous. Sans interruption, du matin au soir et du soir au matin. C’est impressionnant … au fond de la baie dans laquelle on est ancré coule une rivière … et des centaines, des milliers de saumons viennent s’y présenter, et tentent d’y remonter.

De chaque côté de l’entonnoir que représente cette géographie sont posés deux longs filets, chacun sur leur rive, qui retiennent les saumons qui reviennent ici. Une fois entrés dans la nasse, ils n’en ressortiront pas vivants.

Sûrs du fait que tant de poissons représente une belle opportunité pour un bon repas, Hugo et Nathan se pressent de partir à la pêche ; ils ne se lassent pas de passer du temps sur l’eau, avec les cannes classiques, au jigg, au lancer, habillent leur canne de différents leurres, les changent les uns après les autres, se rabattent sur l’épuisette pour essayer de sortir un poisson de l’eau … Des heures, des heures, passées dans l’annexe, sur le pont du bateau, à tenter de remonter un poisson .. tout en entendant autour d’eux des « splatch » des « ploutch » des « pafff » et des « ploufff » à répétition … les saumons ne cessant de sauter de ci de là … quelle patience ! ils sont sacrément bien armés nos lascars, et animés d’une même passion : choper des poissons ! C’est génial de les observer partir en « expédition pêche » tous les deux, comme deux larrons en foire …

Après avoir tout tenté et rien ramené, ils décident de sortir l’artillerie lourde et se donnent chacun 5 tirs de harpon depuis le zodiaque, d’abord en suivant les bancs de saumon à la rame, puis en s’encrant et attendant le bon moment pour frapper, tel des ours guettant leur proie … et victoire, le dernier tir fait mouche ! enfin, fait saumon ! fiers comme Artaban, ils reviennent au bateau avec leur saumon Chum – ou Dog Salmon. On découvrira plus tard que ce n’est pas le meilleur des saumons ni le meilleur endroit pour en pêcher, mais néanmoins, on savoure tous les quatre leur trophée ! 72 cm pour 3kg150, vert et gris, rayé de rouge et noir. On l’observe, le détaille, tente de le définir, sa mâchoire est déjà transformée, il a revêtu ses rayures rouges, synonyme de période de reproduction, il a même déjà perdu ses écailles. Hugo lève ses filets de manière à pouvoir en transformer un « double » (dos et ventre) en gravelax, le reste est levé pour le repas de demain.

La pêche au saumon en Alaska se concentre autour de 5 espèces de saumon pour les mettre en conserve, en tirer de l’huile, le transformer en farine, le vendre aux différentes « canneries », usines à poissons qui transforment le tout-venant : le chum, le pink, le sockeye, le silver et le king salmon (dans l’ordre « du moins bon au meilleur »). Aujourd’hui, on a pêché un Chum, soit le Dog Salmon.

Pourquoi le « dog salmon » ? de la nourriture pour chien ? réponse demain, quand on aura rencontré les gens de l’écloserie.

 

Hatchery de Kitoi, en français : écloserie
17 juillet 2023

Après une matinée méga tranquille dans cette baie méga tranquille où l’eau est plus que méga tranquille, …c’est ce que je me dis quand j’émerge un peu tard, c’est tellement tranquille qu’on dort comme des bébés Nathan et moi … Hugo et Hervé sont déjà partis en annexe tôt ce matin pour aller observer les ours à marée basse, près de la rivière, là où l’eau regorge (je devrais dire « déborde ») de saumons. 8 ours étaient en train de se bafrer et de sortir les saumons à coup de griffes, pour les avaler d’un seul trait. Beaux clichés dans la boîte, on y retournera tous les quatre demain matin, les deux lève-tard sont un peu envieux de ce qu’ils ont raté, même si la journée nous permettra d’observer encore plein d’ursidés sur leurs longs pieds.

On est allés à terre en début d’aprèm pour rencontrer les gens qui travaillent à l’écloserie de l’association KRAA, dont le but est de capturer suffisamment de saumons, pour en extraire les œufs, la semence, féconder des milliards de petits œufs qui seront ensuite replongés dans l’eau et relâchés en mer pour regonfler les stocks pêchables.

8 personnes vivent ici à l’année, et en haute saison (juillet-octobre) ils sont entre quinze et vingt. La responsable de la base est là depuis 3 ans. L’association KRAA a été fondée par les pêcheurs alaskiens, désireux de développer leur activité.

Pour une pêche pérenne, ils ont choisi d’être taxés de 2% sur le produit de leur pêche pour financer les activités de cette assoc, qui permet à toute l’industrie piscicole de répondre correctement aux besoins des consommateurs, sans puiser dans les stocks naturels et de les mettre en danger.

Une industrie en quelques mots et quelques chiffres :

Les écloseries sont implantées dans un lieu où aucun poisson ne revient naturellement, donc un lieu « vierge », de manière à ne pas perturber le biotope.

Les cours d’eau naturels sont fermés à la remontée des saumons par des barrages, de telle sorte qu’ils n’aillent pas se reproduire dans les lacs au-dessus des écloseries, pour ne pas polluer l’eau de la rivière et ne pas contaminer l’écloserie par des maladies potentielles.

Le circuit extérieur de l’écloserie est composé d’une chute d’eau, à côté de laquelle un « tobogan-escalier à poissons » est installé. Le but est que les poissons remontent le toboggan, et non pas le descendent ; il est composé de différents casiers les uns au-dessus des autres, dans lesquels l’eau chute de casiers en casier par des petites portes, et les saumons doivent emprunter ces petites portes pour passer à l’étage supérieur. Une fois arrivés en haut, les saumons sont étourdis par un choc électrique, triés, puis les femelles sont ouvertes pour en extraire les œufs, et les mâles stockés en attendant d’être pressés. Une femelle porte entre 1’600 et 2’000 œufs dans son ventre.

L’intérieur de l’écloserie est un espace de stockage pour les cuves d’incubation, et puis des bureaux et tous les ateliers nécessaires pour répondre aux besoins d’une telle industrie. Plus haut sur le terrain se situent les bâtiments de logement et vie sociale.

Aujourd’hui, 600’000 œufs ont été récoltés, puis arrosés de la semence des males « pressés » par les mains des travailleurs, soit deux bacs de petits œufs fécondés. Les carcasses des saumons sont stockées dans une barge, puis coulées en eaux profondes au large des côtes, pour ne pas venir « empoisonner » les eaux de la baie ni favoriser le développement de la population d’ours.

Au bout de 24h à 36 heures, la division cellulaire se met en route et pendant 8-9 mois les œufs se développeront dans l’eau fraîche (non salée et proche des 1-3 degrés) à l’abri de la lumière, dans des cuves en inox, puis se transformeront en alvins et petits poissons, avant d’être relâchés dans l’océan.

Une saison, c’est à peu près 90 jours, soit 54 millions de petits œufs qui seront fécondés, qui permettront à 540’000 poissons de revenir ici, et 30-40’000 seront capturés pour relancer un cycle de fécondation. Eh oui, le cycle industriel de fécondation permet de voir 1% des poissons mis à l’eau revenir à leur source, alors que le cycle naturel permet seulement à 0.1% de poissons de revenir …

Avant l’implantation de l’écloserie de Kitoï, il n’y avait pas de saumons qui revenaient naturellement se reproduire ici. Aujourd’hui, quand on regarde l’eau, on se demande où est l’eau tant il y a de poissons … La densité est à un taux très élevé, à priori 40’000 saumons dans un volume d’eau somme toute assez restreint.

Ils ont posé un filet pour fermer la baie hier après-midi, empêchant les saumons de venir remplir les nasses, signe que l’association a estimé avoir capturé suffisamment de poissons pour remplir sa mission. Tous les saumons (chum !) qui nagent librement seront pêchés par les chalutiers qui arrivent gentiment dans la baie, sachant que l’autorisation de pêche sera ouverte demain dès midi ! Ils sont déjà là en repérage, et sont venus nous faire un coucou en fin de journée, pour nous demander gentiment de sortir de la zone de pêche avant que leurs manœuvres débutent.

Quand les gars ont pêché leur saumon hier, il avait cette drôle de tête du saumon transformé par son cycle de vie : changement de robe et changement de tête, surtout pour les mâles.

On a appris aujourd’hui qu’en fait, à partir du moment où le saumon entre en eau douce, et qu’il est prêt à se reproduire, tout tend à assurer sa reproduction et tout le reste de son organisme dégénère progressivement. Il arrête de se nourrir (normal donc qu’ils ne mordent pas à nos hameçons), sa peau change de couleur, ses écailles meurent et tombent (Hugo a tenté d’écailler le sien hier, sans succès), ses organes internes ralentissent leur fonctionnement, son système immunitaire s’affaiblit, il meure sur pattes à petit feu, conservant uniquement l’énergie nécessaire pour remonter le cours de la rivière et puis y mourir. Donc sa chair n’est pas top, perd de sa couleur, de sa densité, c’est un peu pour ça aussi qu’on en fait de la nourriture pour animaux et de l’huile de poissons, dog food, dog salmon … Bref, on se réjouit d’en attraper un en pleine mer pour renouer avec le plaisir de manger un bon saumon !!

En fin de journée, les gars sont allés dans une baie voisine pour essayer de pêcher du sockeye, mais pareil, aucun saumon n’a répondu présent. Par contre, Nathan nous a sorti un petit flétan de 3k600 de l’eau, et lui, il a l’air bien frais, ferme, sain, on se réjouit de le manger demain !!

 

Kitoi, Ecloserie encore
Mardi 18 juillet

Levés de bonne heure pour aller voir les ours pêcher leur petit-déjeuner, on est allés les observer depuis la plateforme de l’écloserie qui surplombe le fond de la baie.  Marée basse oblige, il y a beaucoup moins de poissons qui tentent de remonter le cours d’eau jusqu’au tobogan/escalier à saumons. Les ours pataugent joyeusement dans le ruisseau, se partageant le territoire avec les goélands et quelques aigles. 5-6 jeunes ours, déjà de jolis gabarits, longues pattes, souples et de poils plutôt clairs, pas gras, fins, élancés. 2 seniors plus affirmés, bien remplumés, poil brun foncé, épaules larges, dos ronds, souples, forts, puissants. Certainement une femelle parmi eux, mais je ne sais pas la distinguer des autres.

Les 4 pattes dans la rivière, ils guettent les poissons qui vont qui viennent, observent, relèvent le museau, le plongent dans l’eau, bondissent et se comportent presque comme un chat qui jouerait avec un mulot dans les champs. A coup de pattes avant, ils essaient de s’envoyer un poisson dans la bouche pour le capturer. Une fois le saumon saisi entre les dents, les ours ressortent du cours d’eau et vont savourer leur proie à l’abri dans les rochers. Quand ils croquent gaillardement dans les abdomens rebondis des poissons, jaillissent des rubans roses ou des jets blancs, œufs ou laitance selon si madame ou monsieur est passé aux grill-ffes. Les ursidés raffolent du caviar rouge, ils pourlèchent les cailloux traquant la moindre petite bille qui leur aurait échappé.

Après les ours, un retour rapide au bateau pour le petit-dèj, on se fait aborder par quelques chalutiers qui s’accumulent dans la baie où ils ne vont pas tarder à pouvoir poser leurs filets. En effet, l’ouverture de la pêche au Chum est déclarée ouverte à partir de midi. Ils viennent positionner leur gros chalutier pétaradant à côté de nous, aussi simplement qu’ils manipuleraient un vélo à terre … et nous questionnent avec un grand sourire, demandant si nous comptons rester là durant la journée. On a déjà été avertis qu’il faut leur laisser le plan d’eau entièrement libre, du coup on les rassure et leur garantit qu’on aura levé le camp avant 10h.

Mais avant de lever le camp, on veut quand-même aller voir à quoi ressemble une chaîne de fécondation de saumons … oui, ça nous titille de découvrir cette activité et les gens qui s’y consacrent.

Au début de la chaîne, les saumons eux-mêmes qui à coup de nageoire caudale et de bons divers parviennent à quitter la mer, puis le bassin de rétention, puis la rivière, puis grimpent dans le tobogan/escalier de bassin en bassin, arrivant au bassin final où ils nagent « paisiblement » quelques instants avant de poursuivre leur route vers le haut … c’est assez fou de les observer, même une fois arrivés ils veulent continuer à bondir encore et toujours plus haut, se fracassant le nez sur les murs de tôles du bassin.

Au bout du bassin, un ascenseur qui les hisse 30 par 30 au niveau des travailleurs. Dans cet ascenseur, ils reçoivent une grande décharge électrique qui les sonnent un bon coup et qui facilitera le travail des employés.

Les experts trient alors les poissons, mâles d’un côté, femelles de l’autre, et le font sans hésitation, hyper rapidement. La robe des mâles et des femelles est pareillement zébrée de rouge et de noir, mais le vert des mâles et plus clair que le vert des femelles. Les mâles ont presque un bec denté à la place de la gueule classique du poissons d’étal. Dire qu’avant d’entrer en eau douce, ces poissons ont une robe grise, tirant légèrement sur le bleu sur le flanc, et rosâtre sous le ventre, et une tête tout à fait normale … Et ça, c’est les seuls signes visibles de l’extérieur ! on n’imagine pas les modifications internes …

Quelques jeunes sont installés aux tables qui façonnent la chaîne de fécondation. Du côté des mâles, les poissons sont attrapés par la gorge, puis pressés au niveau de l’abdomen pour en extraire leur sperme, qui gicle sur un plan incliné, lequel déverse le liquide séminal dans un tube central. Puis le mâle vivant est expédié dans un tuyau plein d’eau, qui le ramène à la barge qui récupère tous les poissons entiers. Entiers mais agonisants.

Du côté des nanas, c’est moins joyeux. Elles sont aussi attrapées par les branchies, puis incisées de bas en haut d’un coup de crochet tranchant, … et voilà leurs grappes d’œufs qui dégoulinent dans une sorte d’écope qui récupère le précieux caviar. L’écope est ensuite versée dans le tube central, où les œufs rejoignent le sperme et sont mélangés pour que la fécondation ait lieu.

Les femelles, ventres ouverts, sont ensuite évacuées par le même tuyau d’eau qui les amènent à la barge, qui, en fin de journée, sera vidée au large où tous les saumons entiers seront coulés.

 

A chaque manip, un clic sur le compteur qui permet de gérer les récoltes.

A chaque mâle, un peu de semence récoltée. Pas besoin de tout extraire. La diversité l’emporte sur la quantité.

A chaque femelle, chaque œuf est précieusement récolté, c’est un futur poisson en devenir.

Pour la fécondation, les mâles sont de vrais feux d’artifices : un seul pétard illumine toute la nuit 😉 il suffit d’un centimètre cube de sperme pour féconder 20 litres d’œufs, soit 1cm3 de gamètes mâles pour 20’000 cm3 de gamètes femelles.

 

Dans la Hatchery de Kitoï, ils reproduisent 4 espèces de saumon, le King lui est fécondé dans une autre Hatchery.

Les quantités saisonnières produites sont largement au-delà de nos estimations …

Chum : 36 millions d’alevins

Pink : 215 millions de petits poissons

Sockeye : 850’000 œufs fécondés

Coho : 2.3 millions …

Les King : 210’000 pitis passons …

Et dans les bonnes années, un pour cent des poissons revient à la Hatchery où ils sont nés. UN pour CENT … Dans la nature, c’est 0,1 %.

Donc chaque année, 254’360’000 poissons naissent à Kitoï, et 2’543’600 poissons reviennent ici, 140’000 sont capturés pour mettre en route la nouvelle génération, et 2’403’600 sont en “accès libre” pour les pêcheurs qui gagnent leur vie en leur courant après avec leurs filets.

Et d’ailleurs, à propos de chalutiers, hier à midi c’était l’ouverture de la pêche au Chum à midi …. C’était incroyable ! Je vous raconte ca sous peu et d’ici là je vous embrasse !

 

Mardi 18 juillet à Kitoi c’est ouverture de pêche à midi !!

Depuis hier fin de journée, les chalutiers arrivent un par un, font quelques tours de reconnaissance de la baie, un guetteur dans le nid-de-pie, les équipiers finissent de préparer les filets et le matériel à l’arrière des bateaux. Ils s’arrêtent bord à bord, discutent, rigolent, on reconnait des bateaux vus à Kodiak et même à King Cove.

Certains s’approchent de nous, nous tournent autour et nous demandent gentiment quand on pense partir, puisque la pêche au Chum – Dog Salmon – ouvrira ce mardi à midi pile … Ils nous informent que « ça va chauffer, vaudrait mieux pas être là ». Tout est dit avec sourire et bonhommie, on ne sent aucune agressivité.

Les équipages sont jeunes, les capitaines aussi ; deux-trois loups de mer bien marqués manœuvrent leur navire au doigt et à l’œil, et n’ont pas toujours le discours délicat envers leurs mousses.

Un chalutier s’approche très près de nous, à presque toucher notre coque, et le jeune capitaine nous tend un post-it plié en 4, en nous disant « puisque vous prenez des photos, ça serait cool si vous pouvez m’en envoyer quelques unes ! voilà mon adresse e-mail ! pour une fois que quelqu’un s’intéresse à notre pêche et qu’on peut montrer avec des images comment on travaille, ça serait super ». Je lui tends notre épuisette et il y dépose délicatement son petit papier, puis s’en va d’un coup d’accélérateur.

La matinée passe gentiment, on lève l’ancre et on reste dans les parages, pour observer tout ça. Vers 11h30, Hervé et Nathan (Le Rouge et Le Jaune à nouveau) partent en zozo pour faire des photos de plus près, et observer la scène sous un autre angle, pendant que Hugo et moi, sur Myriades, restons loin de l’arène pour ne pas déranger les pêcheurs. On n’a aucune idée de la manière dont ça va se passer.

Les chalutiers se positionnent plus ou moins proches des rives de la baie, semblent chercher le meilleur angle d’attaque, peut-être cherchent-ils encore à localiser au plus près les bancs de poissons … ? Ca semble clair en tout cas que les saumons continent à vouloir remonter vers la rivière au fond de la baie, et donc continent à s’amasser contre le filet qui ferme le fond de la baie. Donc de manière logique, les chalutiers devraient tenter de les rabattre contre ce long filet pour mieux les piéger dans les leurs …

Midi moins dix, on sent la tension grimper dans la baie, les moteurs sont bien chauds, les capitaines ont la conduite un peu plus nerveuse. Une dizaine de chalutiers près de la rive gauche, une dizaine près de la rive droite, quelques uns au milieu du plan d’eau, un peu plus au large, ils sont 23 à guetter les minutes s’égrainer.

Midi moins cinq, Hugo et moi sommes aussi impatients que les pêcheurs, tendus et pleins d’excitation, attentifs à nos montres et au plan d’eau.

Midi moins deux, midi moins une, toujours aucun débordement, aucun faux pas de la part des pêcheurs, aucun tricheur ni resquilleur, tous respectent la règle : ouverture de la pêche à 12.00.

Midi pile, les moteurs grondent, les étraves se cabrent, le plan d’eau s’anime, chaque chalutier vient de libérer son annexe et s’élance en la laissant sur place, pendant qu’il dévide son filet à fond de train en direction de l’autre rive. Ceux de gauche vont à droite, ceux de droite vont à gauche, tous se croisent au centre, et poursuivent leur route jusqu’à ce que leurs bobines de petites bouées jaunes et de longs filets soient totalement dévidées.

Deux minutes plus tard, le jeu se calme, les bateaux ralentissent et commencent alors les manœuvres pour rabattre les poissons dans les filets.

En regardant la baie depuis le large, on voit une succession de filets jaunes, jolies cordes tendues comme des fils à linge dans les rues étroites dans la chaleur de l’Italie, avec de-ci de-là un chalutier bleu, ou un blanc, ou encore un gris, qui attend patiemment la suite des opérations.

Chaque chalutier rejoint son annexe laissée proche de la rive en formant un grand cercle ; à l’avant, deux mousses frappent l’eau d’une longue perche équipée d’une espèce de cloche (sans battoir) pour faire peur aux saumons et les piéger dans les filets. Chalutiers et annexes se rejoignent, croisent leurs aussières, et là les filets commencent à être hissés sur les chalutiers, emprisonnant petit à petit les saumons qui seront finalement enfournés dans les cales remplies d’eau glacée.

Certains bateaux travaillent ensemble, décidant de fermer une partie de la crique. D’autres ne jouent que pour eux. Plusieurs remettront les filets à l’eau après les avoir sortis une première fois, d’autres ont choisi la rive d’une autre crique, plus éloignée, faisant le pari de récupérer tous ceux qui auront réussi à s’échapper.

Notre zozo pendant tout ce temps est resté coincé derrière le filet du fond de la baie, seul endroit où Le Rouge et Le Jaune se sentaient en sécurité pour observer cette ouverture de pêche. Vers 13h, les voilà qui reviennent, tout contents de s’être fait piégés presque au cœur de l’action. Ils ont tout vu de près, et ont eu le plaisir de savourer pendant toutes les manœuvres les doux gaz d’échappement de la joyeuse troupe de chalutiers.

Mardi, en fin d’aprèm on arrive à Seal Bay, on y dort au calme, entourés de sapins sur plusieurs ilets, sur un plan d’eau aussi limpide qu’un miroir.

 

Mercredi 19 juillet, on se réveille dans le brouillard, on ne voit pas la rive éloignée de quelques 30 mètres. La journée passe tout tranquillement un peu sous la pluie, un peu sans pluie, un peu sous la pluie un peu … On est là pour attendre le vent qui nous permettra de traverser la partie occidentale du Golf d’Alaska, plus exactement le « Kennedy Entrance » pour rejoindre la Péninsule Kenaï.

On descend à terre pour voir si on peut se balader, on a aperçu des ours le matin, alors on n’est pas super tranquilles. On va frapper à la porte du Afognak Kodiak Lodge qui est de l’autre côté du plan d’eau, pour aller dire bonjour et tenter de marcher un peu. On y est accueilli par une vieille dame charmante, bien charpentée, habillée de grosses chaussettes, pantalon chaud et gros pull, grand sourire surplombé de grands yeux clairs et pétillants. Elle s’appelle Shannon, canadienne installée ici depuis qu’elle a rencontré son amoureux à Kodiak il y a très longtemps. Elle a construit ce paradis pour les touristes férus de pêche et de « wild life » avec son mari il y a plus de 50 ans. Ils y ont vécu avec leurs quatre enfants, et aujourd’hui elle fait tourner son business toute seule du haut de ses au moins 75 ans, avec un de ses fils qui assure toute la partie construction et charpenterie. 8 employés travaillent avec elle.

Construire ce lodge, ça veut dire bâtir de A à Z une maison de famille, puis quatre « cabins », des petites maisons individuelles pouvant accueillir jusqu’à 4 personnes, une maison « local technique », une maison Salle à Manger-Lounge-Terrasse-Cuisine, les dépendances de tous les employés, 2 green-houses (les serres locales où poussent les salades, tomates, fraises, et autres délicatesses vertes) tout ça construit en bois à partir des arbres abattus sur place, puis dénudés, débités, tranchés, séchés, déplacés, entassés, empilés, un incroyable travail !!!

On prend notre repas du soir au lodge (un bon bœuf cuit 15h au bbq à l’étouffée, dans sa fumée, … un régal !) et on y rencontre les clients venus de Los Angeles et du Mexique pour pêcher halibut, cod, rock fish et autres poissons, qui repartiront avec eux en avion jusqu’à leur domicile. L’équipe de Shannon se charge de lever tous les filets, les mettre dans la glace en box étanches, et de préparer le tout à être transporté par hydravion jusqu’à Kodiak avec les heureux pêcheurs. … Qui emporteront dans leur pays ensoleillé leurs poissons alaskiens, sauvages et bio, qui feront des milliers de kilomètres à coup de kérozène … pas très « green » tout ça ! mais bon pour les souvenirs et le business …

Après une nuit super calme, on part jeudi matin direction Andreon Bay, sur Shuyak Island, dernière petite île accrochée aux abords de l’ile de Kodiak, dernière terre avant de traverser pour rejoindre le continent.

En route, sans vent et sur une mer toute calme, dans le bleu complet (au-dessus et au-dessous) on s’arrête plusieurs fois pour pêcher.

Objectif : halibut et cod. Ne remonteront à la surface que des rock-fish, tous différents, robe jaune ou orange, brune ou gris, parfois tachetée parfois unie, toujours des nageoires dorsales très épineuses et des latérales peu avenantes. Des grandes bouches, larges, prêtes à avaler de petites proies.

Nathan est indécent dans son succès, chaque fois qu’il met sa canne à l’eau il remonte un poisson. Petits, moyens, grands, tous sont photographiés, mesurés, puis remis à l’eau. Il a un magnifique tableau de chasse en images, de quoi composer un joli jeu « Memory » pour les attentifs aux détails.

Hugo lui a plus de peine à les remonter, allez savoir pourquoi il a moins de touches … aucune idée ! Mais il a la même patience que son frère, et les deux passent des heures à jigger, lancer, remonter, relâcher, …

Hervé les accompagne aussi bien sûr, avec moins de succès mais beaucoup de bons conseils, c’est chouette de les voir partager ces moments !!

Arrivés à Andreon Bay, dans le soleil étincelant, on pose l’ancre au fond de la baie et les gars partent en excursion. Une fois que le bruit de leur moteur disparait, on entend plus que les oiseaux, les blablas des loutres qui passent non loin, et parfois le ploufff d’un oiseau. C’est calme, zen, serein. Chaud. Du coup, je vire mes habits et je saute à l’eau. 11,6 degrés c’est correct pour un premier bain alaskien. Enfin … bain … 1 plouf rapide et je remonte, je me réchauffe 2 minutes, puis un plouf plus long et je remonte, puis 3 ploufs de suite pour mieux aborder cette eau fraîche. J’ai très envie d’apprendre à y plonger plus longuement tout en calmant ma respiration, j’y reviendrai. On se sent tellement bien après, le corps redéfini dans ses volumes, je retrouve la sensation de mes limites physiques, de mes pourtours.

Hervé part relever le panier à crabes, et revient avec un panier vide. Mais décidé à lever l’ancre ce soir au lieu de demain matin, puisque les conditions sont plutôt favorables. Le vent arrive enfin dans la nuit, autant en profiter. Ok, let’s go, on prépare le bateau.

Hervé au premier quart, puis moi, puis Nathan puis Hugo, c’est ce qui est prévu. Évidemment, ce n’est pas comme ça que ça se passera, haha !

 

Traversée de l’ile de Kodiak à la Péninsule Kenaï

Donc je pars me coucher, j’ai le sentiment de ne pas dormir, je somnole, il fait jour longtemps. Quand Hervé vient me demander de prendre mon quart, il fait encore jour, j’imagine qu’il est 23h. Il est en fait 2h du mat, et on navigue sur une mer calme comme au coucher du soleil. Le ciel est sombre, mais la nuit est lumineuse, nimbée de lumières douces au NW, avec des trainées claires, bleu clair tirant vers le turquoise qui s’y baladent. On dirait des aurores boréales.

Du coup, je fais mon quart jusqu’à 5h du mat sans réveiller les autres, bien au chaud sous mes 2 vestes à capuchon, 2 polaires, pantalon, couverture, … Vers 3h, j’éteins le moteur, le vent est enfin suffisant. C’est magique, c’est beau, c’est doux, le temps passe tranquillement, propice à du lâcher-prise total, temps de rêverie et de douceur intérieure, quel bien ça fait !

Les lueurs du couchant migrent progressivement vers le NE. Le vent monte à 20 gros nœuds, nous pousse à 8, on glisse sur l’eau, le bateau gîte un petit peu, trop pour Hugo qui tombe de son demi-lit. Il ne peut pas se caler contre la paroi quand on gîte sur tribord, pas cool ! Du coup, il prend son quart à la place de Nathan, puis Hervé ne tarde pas à pointer son nez, et moi je pars me coucher.

On passe la journée de vendredi en mer à avancer vers notre prochaine destination : le Glacier NorthWestern. On change radicalement de paysage par ici. On navigue sur un presque lac tellement la mer est plate, au pied d’une chaîne montagneuse, un semblant d’Alpes. Le temps est à nouveau au beau fixe, Hugo nous accuse de mensonge « vous m’aviez dit qu’il ne faisait pas beau et qu’il y avait plein de brouillard !! » en riant, et en savourant le soleil torse nu. Déjeuner dans le cockpit tellement on y est bien, on sentira nos visages bien chauds en fin de journée ! Les montagnes de pierre noire sont zebrées de pentes herbeuses et de forêts de sapin dans les premières centaines de mètres, puis laissent la place aux pierriers et aux bandes neigeuses. Les sommets blancs illuminent le bleu du ciel.

Petit interlude marin avec la visite de 3 orques qui passent non loin de nous. Elles s’approchent, curieuses, leur dos noir luisant émergeant de l’eau lisse, nageoires dorsales dressées fièrement vers le ciel. On aperçoit leur tache blanche. Pas de mâle dans la troupe, 3 femelles a priori ; un.e jeune, une moyenne et une maman. Elles chassent tranquillement en encerclant leurs poissons et poursuivent leur route.

Fin de journée, on arrive dans Harris Bay, au fond de laquelle se trouve le glacier. On s’avance entre les rives, on passe les hauts-fonds formés par la moraine, et on se retrouve en Patajolie, les rives rocheuses sont griffées et polies par les anciennes glaces, les névés blancs là-haut éclaircissent le paysage, les glaces bleues et grises descendent par endroit jusqu’à l’eau.

On aperçoit nos premiers growlers, glaçons millénaires détachés du glacier, dérivant lentement dans l’eau qui s’adoucit gentiment. Elle change de couleur, se rapproche du bleu-vert opalin d’un lac de montagne. Tout au fond de la baie, deux murs de glace nous accueillent. Ça craque un peu de partout, parfois un bout de la langue de glace tombe dans l’eau, provocant quelques vagues. On est admiratifs, peu volubiles, on savoure notre chance, immense, nos sentiments mêlant l’infiniment petit à l’immensément grand, extase et gratitude devant cette nature tellement majestueuse.

On a de la peine à quitter ce glacier, mais la nuit tombe dans 2-3 heures, et on n’est pas encore arrivés à Taz Basin, enclave hyper protégée au creux de Granit Island, nichée au milieu des sapins. En arrivant, Hugo et Nathan partent poser une aussière à terre, renouant avec la mode des mouillages patagons.

 

Taz Basin
Samedi matin, 22 de juillet
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Après deux-trois ploufffs dans l’eau froide (12,6 degrés) pour Hugo et moi, on se met en route et les trois gars se mettent immédiatement en mode « pêche ».

Quelques minutes plus tard, un rock-fish rouge-orange remonte trop vite des profondeurs au bout de la ligne de Nathan, sa vessie natatoire lui ressort grotesquement de la bouche, comme une langue complètement gonflée. On réussit à le sauver in extremis en le faisant redescendre à l’aide d’une ligne plombée, mais on doit s’y reprendre à deux fois … tout ça pour le plaisir des pêcheurs … !

Obligatoire d’ailleurs d’avoir une ligne plombée à bord, prête à l’usage. De même manière qu’on doit avoir une licence de pêche par pêcheur, et que les quotas sont très clairement définis par poissons, taille de poisson, lieux voire jours de semaine. Et on est aux US, si on ne respecte pas la loi on risque gros, ou cher.

-Pour info, la loi prévoit qu’en cas de non-respect, tout le matériel ayant servi à capturer les poissons soit confisqué, ce qui peut inclure le bateau lui-même … on va pas jouer !-

Après quelques tentatives infructueuses, Hugo et Nathan demandent à pouvoir pêcher un peu à la traîne en passant vers le Cap Granit. Une bonne dizaine de bateaux moteurs tournent lentement dans ces eaux calmes, où les courants se rejoignent. Pour pêcher un saumon, il ne faut pas avancer à plus de 2 nœuds, donc ce sont des moments tout tranquilles quand la mer est douce.

Un troupeau de lions de mer se dore au soleil (ah oui, j’ai oublié de vous dire que c’est le troisième jour consécutif de beau temps, grand soleil, températures estivales, on laisse tomber les pulls et les chaussettes), et puis paf, une ligne attrape un premier saumon !!

Un Coho (silver salmon) remonté, bien vivant, plein d’écailles et de vigueur, la robe quasi intacte et la mâchoire digne d’un poisson de mer ! Ses mensurations : 3.8 kg pour 69 cm, jolie bête !

Quelques minutes plus tard, c’est un Humpy (pink salmon) qui pointe son bout de nez. 1.160 kg pour 50 cm, remonté avec son algue colorée.

Les gars sont ravis, on a de quoi manger pour quelques jours, on arrête là.

On se dirige vers un chapelet d’iles, dont Harbor Island, qui émergent de l’eau tout en douceur. Les roches dorées émergeant au-dessus de l’eau sont rapidement remplacées par des sapins serrés les uns contre les autres, et comme les iles ne sont pas hautes, elles surgissent comme des touffes arbeuses devant l’horizon délimité par la chaîne de montagnes aux sommets enneigés. C’est juste splendide comme paysage. On s’en met plein les yeux !

 

Baleines à l’horizon !!!

Au loin, un nuage de goélands s’envole régulièrement au-dessus des flots, puis se repose. On s’approche tranquillement, en observant de loin. Les goélands semblent guetter, prêts à se lancer en piqué pour aller pêcher petits poissons, harengs, sardines et autres mini-portions. Ils volent de gauche, de droite, se posent, attentent, et en observant leur vol de plus près, on découvre des souffles de baleine, puis on voit les dos des baleines, suivis par les nageoires caudales qui pointent verticalement, signe qu’elles plongent (elles sondent) avant de ressortir plus loin. Et à nouveau une gueule ou une nageoire.

En se rapprochant tout émoustillés par la présence de ces incroyables mammifères, on réalise qu’une trentaine de baleines à bosse sont en train de pêcher … Wouahou !!! On passe du temps à les observer, fascinés. Elles pêchent avec la technique du « bubble feeding ». Je vous explique.

D’abord, un petit élément technique : la baleine à bosse mesure en moyenne 14 mètres de long (la taille de Myriades) pour 30 tonnes (le double du poids de Myriades). Donc là, on navigue (au moteur) tout près de 30 baleines de 30 tonnes et de 14m de long … mais on ne « risque rien » puisque la baleine à bosse se nourrit de plancton et petits poissons.

Les sillons ventraux qui courent parallèlement entre eux de sa mâchoire inférieure jusqu’à la moitié de son ventre permettent une très large ouverture de sa gueule, un peu à la façon dont s’ouvre un accordéon ; ils se gonflent d’eau de mer chaque fois qu’elle ouvre la bouche, puis elle filtre le tout au travers de ses fanons, garde les poissons et recrache toute l’eau.

Donc revenons à nos moutons … et à la technique de pêche de ces baleines : elles sondent profondément, puis remontent groupées vers la surface, pendant qu’une ou deux d’entre elles effectuent de grands cercles de plus en plus serrés, relâchant leur air, ce qui emprisonne les bancs de poissons dans un cylindre de bulles vertical. Un vrai piège de crystal, un piège éphémère. Le groupe de baleines n’a plus qu’à remonter au centre du cylindre, les gueules grandes ouvertes, collées les unes aux autres pour ne pas perdre une miette du festin.

Les bouches démesurées surgissent des flots bouillonnants, puis les baleines se laissent redescendre et s’enfoncent en reculant, avant de s’éloigner d’un coup de nageoire puissant. Parfois, elles se mettent sur le flanc pour frapper l’eau de leur nageoire, parfois elles bondissent presque comme des cabris, bon, des gros cabris, mais étonnamment puissantes et véloces.

On n’a pas envie de les quitter, le spectacle est tellement hors du commun ! Elles sont si grosses et nombreuses … Et que dire des mouettes et des goélands ! des nuages des nuées des escadrilles qui volent qui piaillent qui profitent elles aussi du festin, frôlant les gueules géantes, parfois il doit y avoir des accidents d’ailleurs, un-deux oiseaux terminant dans la brassée poissonneuse au fond du gosier de ces mammifères … on s’arrache de cette scène à regret, mais les yeux pleins d’étoiles.

Après les baleines, un autre géant nous attend à terre : un nouveau glacier se jette à l’eau devant nous. AIALIK se vautre là, immensément large, assez haut, son front part en miettes régulièrement, provocant des énormes gerbes d’eau qui remontent haut dans le ciel. Il pète craque gronde de manière sourde, sèche, impétueuse, parfois juste en surface, proche de nous, parfois du plus profond de ses entrailles. Encore un spectacle somptueux. C’est le premier glacier que je vois bordé de végétation. Jusqu’à maintenant, c’était plutôt rocailleux, sec, poli et râpé. Ici il y a de tout : du désert et de la verdure. Le soleil de fin de journée illumine ses crêtes turquoise, et lui donne plein de peps.

Journée intense en émotions, en beautés généreusement proposées par Dame Nature. Une journée comme celle-ci nous fait oublier tous les jours de mauvais temps et les coups de mou. On croise les doigts pour que ça dure, et on retarde notre arrivée à Seward pour profiter un maximum de ces endroits sauvages et incroyablement beaux. Finalement on n’est pas si pressés que ça : on a tout le poisson qu’il faut à manger, et du riz pour l’accompagner, donc pena traca …

 

Bain au pied du Glacier Aialik
Dimanche 23 juillet

Dimanche, journée douce et tranquille, Hugo est décidé à se baigner dans la baie, il prend la température de l’eau … 7 degrés. L’eau est plutôt trouble, pas très propre, des mousses passent flottant autour de Myriades. Du coup, on se dit « bah, on a qu’à se baigner après le petit dèj devant le glacier, ça sera joli ! ». Ok, le petit-dèj avalé on lève l’ancre sous un ciel encore bleu, le soleil nous chauffe le dos et on part à la re-rencontre du bel Aialik.

Sa façade bleu-blanche-turquoise léger nous attend, ses flancs verts et caillouteux entourent cette immense langue de glace dont on a de la peine à définir la hauteur. Les montagnes alentours sont d’un beau brun-gris, mélange de parois rocheuses et de pans sableux, illuminées de plaques de neige bien blanche. Les contrastes sont saisissants.

L’eau elle est bien plus grise ce matin qu’hier. En avançant au moteur, on voit qu’on « ouvre une voie » en quelque sorte, une voie où l’eau salée réapparait, plus verte et foncée que celle de la surface. Densités différentes, températures différentes, compositions différentes, courants différents … encore une dimension à rajouter dans cette réalité paysagère si changeante.

On est seuls au pied de ce géant millénaire, on est tout petits, infimes particules faisant partie d’un grand tout, bien plus grand que nous. On y reste presque deux heures, micro-secondes à l’échelle du seigneur local. Il ne fait pas trop froid, quelques courants d’air nous hérissent la peau par instant, mais la météo est agréable. On en profite pour se mettre en maillot de bain Hugo et moi, et hop, on y va sans y réfléchir à 4 fois.

On plouf dans l’eau et on ressort, on se frotte fort les jambes avec les mains, on attend que Nathan se soit correctement repositionné avec l’annexe pour immortaliser l’instant, et hop, on replouffe plus longuement cette fois, mais ça ne dure qu’un instant. C’est vraiment froid. Ça booste, ça pique, ça nous pousse hors de l’eau très vite. En se séchant dans nos serviettes, on a l’impression de se faire brûler, piquer de partout. Et puis ça passe vite, et on se sent bien. Après avoir remis pull et chaussettes, on se sent vraiment bien.
On se demande quand-même quelle est la température de cette eau opaline … et on ne croit pas nos yeux … mais en repensant à nos sensations, on se dit que oui, ça doit bien être ça : 3,2 degrés Celsius … trois virgule deux !

Contents !! et fiers de nous aussi.

Une colonie de phoques dort au pied d’Aialik, on les observe un moment. Comme tant de fois, la glace craque et gronde, et pafff un beau gros morceau tombe juste à l’endroit où flemment ces mammifères bruns dodus. On se dit que le bruit va les faire fuir, alors on regarde à la jumelle, et on se marre à les voir endormis, se faire ballotter au rythme des vagues qui les font monter puis redescendre comme des bouchons sur l’eau.

On se remet en route pour aller voir un autre glacier dans le même fjord, on navigue sur une eau lisse dans une vallée très large, on croise des kayakistes qui remontent le bras de mer pour aller admirer le glacier, et puis au bout d’un moment, on tourne à droite pour aller voir la jolie façade d’un autre géant gelé : HOLGATE. Plus petit, moins imposant, encaissé entre deux parois, pas de verdure à ses pieds. Joli quand-même !

Puis Le Cap décide qu’on filera directement sur Seward ce soir, il a trop mal aux dents depuis deux jours, et veut trouver un dentiste demain à la première heure. Fin de journée au moteur, Réjane et Charly nous accueille au port, on les a enfin rattrapés, haha.

 

Seward
Lundi 24 juillet 

Aujourd’hui c’est opération lessives, remplissage de frigo (et d’annexe, puisqu’elle nous permet d’y stocker tous les légumes et quelques fruits, température parfaite), et puis dentiste pour Hervé.

Plaisir d’un restau le soir, demain on repart déjà.

Seward est une petite ville de 3’000 habitants et beaucoup de touristes y passent. Anchorage est à 2h de voiture, à peu près pareil en train, et la péninsule Kenaï fait partie des destinations « phare » alaskiennes : glaciers, ours, baleines, orques, la nature y est riche et généreuse. Le port de Seward est rempli de navettes qui promènent les nombreux visiteurs, et les emmène à la (demi) journée voir tout ce qui fait notre spectacle au quotidien.

Beaucoup de camping-car, de caravanes, de véhicules en tout genre pour balader ces gens venus de partout, qui déambulent dans ce quadrillage urbain fait de petites maisons en bois colorées, cadres de fenêtre blancs, toits pentus pour évacuer la neige hivernale, routes goudronnées.

 

Auk Bay, un AnniHappyApero qui dure Longtemps
Mardi 25 juillet 2023 

Au moment de partir de Seward, voilà Hervé de Mouez Avel qui déboule sur son joli bateau blanc bordé de bleu, sourire aux oreilles. On l’avait aperçu la nuit du Tsunami annoncé à Kodiak, sans avoir le temps de partager un café, là on a au moins le temps de prendre de ses nouvelles. On l’avait rencontré à Chiloe, au sortir des canaux patagons chiliens. Depuis, il a taillé la route tout seul, traversant le Pacifique avec son Mouez fidèle, et a choisi de monter en Alaska en faisant un petit tour du côté des côtes coréennes et japonaises, avant de remonter sur le chapelet d’iles aléoutiennes.

On s’en reva finalement, départ pour aller se balader dans le dédale des iles ilots et ilets qui nous séparent du Prince William Sound.
En chemin, on retrouve Longtemps à Auk Bay en fin de journée pour fêter la nouvelle bougie de Réjane. On la fête Longtemps avec dégustation de gravlax préparés par Hervé (sel-sucre, baies roses et aneth) et Hugo (sel-sucre, gin, moutarde, miel) et rillettes de saumon préparées par Réjane. On le déguste sous toutes ses formes ce poisson-là, on n’est pas encore à court d’inspiration, mais ça pourrait venir bientôt, haha.

 

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