Guguak, une baie récalcitrante ou un capitaine trop joueur ?
Mercredi 26 juillet 2023

Un bon bain frais ce matin, 11.7 °C dans un air à 12.9 °C, quel bien ça fait ! Je commence sérieusement à y trouver du plaisir et l’envie de prolonger chaque trempette.

On s’engage aujourd’hui dans le Pince of Wales Passage, le chenal Est de Bain Bridge Island, en direction de Guguak Bay où Le Cap joueur veut aller poser l’ancre pour la nuit. Joueur, car les fonds sont peu profonds, et la baie très fermée sur elle-même.
Chemin faisant, on ralentit à certains endroits pour trainer les lignes et essayer de ferrer un saumon, on aperçoit un groupe de lions de mer qui se prélassent sur leurs rochers noirs, bordés d’algues dorées au-dessus de l’eau grise et choppy. Nathan attrape un joli Chum de 50 cm, 1kg300, de quoi nous faire un petit repas sympa.

Arrivés devant l’entrée de Guguak Bay, on ralentit sérieusement et on observe, tout en ayant les yeux bien attentifs à la carte. Hervé au pilotage, et nos 6 yeux à nous posés sur l’eau. Je monte sur le balcon-avant pour essayer de mieux voir ce qui se passe sous l’eau, elle est noire, profonde, je n’aperçois rien. Et puis tout à coup, un seuil devant nous, des algues et des rochers pas loin de la coque. Machines arrière toutes !!! On recule, on reprend un peu de distance, et puis on aborde la passe sur notre tribord pour essayer de passer. Là non plus, peine perdue, les fonds remontent trop. On recule une fois de plus. On tente sur bâbord, mais clairement, à mes yeux ça ne va pas le faire.

Hugo et Hervé partent en annexe sonder les fonds sur toute la largeur de l’entrée de la baie, voir si une ouverture y est possible. Résultat : au moins profond, il y a 1m80 d’eau … On renonce. On ne va tout de même pas rentrer dans la baie au forcing, sachant qu’on est en marée montante. Si on doit pour une raison ou une autre évacuer cette petite crique, on pourrait y être coincés par manque d’eau pour passer le seuil. On est joueurs, mais on joue aussi la sécurité. D’abord et avant tout !

On ancre finalement au milieu des ilets des iles et des ilots. Bandes de cailloux gris surmontées par des sapins, quelques buissons feuillus. Tout est bien vert, le ciel et l’eau sont gris. Pas moyen dans ce pays de partir marcher à terre, on est en « forêt primaire » comme en Patagonie. La rive ne nous offre aucune trouée propice à la marche. Et puis il y a toujours l’inquiétude de l’ursidé qui nous guetterait derrière un arbre pour mieux nous manger ; blague à part, ça n’offre aucun sentiment de détente ni de zénitude de se balader en territoires oursiens … Demain peut-être la possibilité d’aller jusqu’à un petit lac, on verra. En sifflant gaiment tous les quatre ! Car comme le disait un gentil américain rencontré récemment « 85% des accidents avec les ours ont lieu sur des groupes de moins de 2 personnes ». Oui, ce sont bien ses mots.

Nathan part pêcher dans la fameuse baie inaccessible, à peine les filets de son saumon levés. Il a la fièvre pêcheuse celui-là, c’est son occupation principale quand il sort de sa cabine. En nav, il guette la vitesse du moteur pour savoir si on traine correctement, il dirige le bateau dans les eaux propices, il choisit ses jiggs et ses leurres avec attention, il regarde la profondeur des fonds, et quand un poisson s’invite au bout de sa ligne, il prend le temps de le détailler, le mesurer, le peser, le photographier, …

Les prises au compteur à ce jour :
Nathan : 49 poissons (saumons, rock fishs, flétans)
Hervé : 17 poissons
Hugo : 10 poissons
Mel : au four, à la poêle, au grill, en sauce pour des pâtes, en potée, … les gravelax c’est les mecs qui les préparent, et pour moi surtout le plaisir de savourer leur plaisir et leurs partages

 

Otter Bay
Jeudi 27 juillet

Journée sans vent, comme les 5 à venir, avec des nuages le matin et un beau soleil dès midi, qui commence à descendre derrière les monts à 22h.

Température idéale pour une nav par ici : à peu près 15-18 degrés, et bien plus au soleil à l’abri des airs. L’eau du bain est à 11.9 degrés, limpide et belle bleu-canard. Les ploufs sont de plus en plus longs et de plus en plus agréables. Bon, on est loin des 3 degrés du dernier glacier …

On est allés marcher ce matin jusqu’à un petit lac, les 4 en rang d’oignons, en tout cas un peu plus groupés que la dernière fois. On a vu plein de crottes d’ours, et de traces évidentes de leur vie dans ce joli coin. Des traces d’élans aussi, sabots dans la terre meuble.

On est remontés le long d’une petite rivière pour sortir des bois, la forêt est trop dense pour être traversée facilement (il faut dire que Hervé avait sa canne à pêche à la main, ça ne facilite pas les choses !), et puis on a trouvé une grande zone de prairie parsemée de quelques sapins et surtout des fleurs, jaunes, violettes comme des iris, rose pâle comme des grosses marguerites, roses fushia comme des toutes petites orchidées, et puis des blanches ressemblant à des fleurs de fraises. Zone de prairie oui, et traversée en toute part par des petits ruisseaux qui dégoulinent jusqu’en bas des collines.

On est allés explorer le tour du lac et Hervé a taquiné les petites truites « cut throat » genre truite farriot (petit lac, petit poisson) et puis on a grimpé sur le dos de la colline pour aller voir les canaux de haut. Belle vue dégagée sur les iles et montagnes alentours. Pas mal de glissades intempestives sur les fesses car la terre est bien mouillée, en plus d’être pentue.

Longue partie de pêche (à la traine) le temps d’arriver à notre prochain mouillage, et malheureusement aucun saumon n’a daigné nous approcher. Pourtant ils sautent partout, à gauche, à droite, devant, derrière, … mais on ne les intéresse pas.

Sea Tilt (un catamaran Gun Boat de 60 pieds, tout carbone donc tout léger) nous a dépassé à fond la caisse, il filait à 10 nœuds sous GV et Spi asymétrique, sur l’eau lisse du Prince Whale Passage. On avait l’impression d’être arrêtés … certes, on avançait lentement puisqu’on traînait (c’est le cas de le dire) mais quand-même !

On est maintenant ancrés à Otter Bay, jolie baie au fond de laquelle coule une rivière.

En bordure de notre baie :
Un ours noir. Notre premier ! C’est un animal beaucoup moins massif que le brun, il a deux grandes oreilles rondes au NE et au NW du crâne, un museau assez long, on dirait presque un gros chien. Corps assez court, pattes longues et souples.

Et puis quelques phoques, peau claire et tachetée de brun-noir.

Des loutres, qui se lavent se lavent se lavent en discutant, posées sur l’eau sur le dos, roulant sans cesse sur elles-mêmes.

Des goélands, huitriers et pygargues qui se pourchassent dès que l’un d’eux a attrapé un poisson.

A l’entrée de la baie, 2 baleines à bosse bien reconnaissables avec leur long dos orné d’une toute petite nageoire dorsale croisent et recroisent, à croire qu’il y a de quoi manger dans le coin !

Au fond de la baie, la rivière. Qui attire plein de saumons. Des Pink, des Chum, des Sockeyes. Déjà passablement mutés. Les gars pêchent, et ramènent un flétan de 3kg (1k300 de filets tout nus au frigo, miam !) et une maman Chum, pleine d’œufs. Sa robe a déjà muté, elle est très blanche, et n’a plus d’écailles. Sa chair est très claire.

J’ai ébouillanté les œufs de la saumone puis les ai plongé dans l’eau froide pour les sortir de leur poche, et on a gouté ça. C’est pas mal, mais en fait ils mériteraient d’être mangés crus, sans traitement thermique. Ca les ramollit trop, ils deviennent un peu pâteux. Ils ont rejoint la chair de saumon cuite, assaisonnée de manière à la transformer en rillettes pour un prochain apéro. C’est délicieux !

Ah oui, et puis un animal -ou plutôt un insecte- qu’on n’avait peu vu -ni subi- jusqu’à maintenant : les moustiques !!! il y en a plein ! partout ! donc quand on se balade maintenant, c’est avec un filet sur la tête, par-dessus les casquettes … nan nan, on n’a pas du tout l’air bête … mais au moins on est protégés.

 

Vendredi 28 juillet .. déjà … Icy Bay, I see Icy

Rien de spécial en ce 28 juillet, nan, pas vrai, un magnifique glacier !!! tellement impressionnant, tellement grand, tellement long !

On a remonté Icy Bay, jusqu’à un embranchement, chacun bras menant à un glacier qui tombait dans l’eau … mhhhh, lequel choisir ? c’est l’eau qui en a décidé pour nous : le bras menant à Tigertail Glacier était recouvert de glaçons, petits et grands, ce qui voulait dire un pilotage très attentif et une remontée très lente jusqu’au glacier. On a beau avoir de l’alu entre l’eau et nous, ça reste une peau relativement fragile, une barrière très mince qui assure notre sécurité, qu’on n’a pas envie de voir se déchirer à force de griffures ou de chocs répétés. Bon, ça serait vraiment peu probable, mais on ne va pas tenter le mauvais sort.

Donc on tourne à droite, direction Chenega Glacier. On l’aperçoit rapidement au loin, il est monumental, il bouche tout le fond du fjord. Dans le chenal, plein de growlers et morceaux de glace bien trop gros pour entrer dans nos verres d’apéro, suffisamment gros pour les phoques se reposent nonchalamment tout en dérivant.

On s’approche on s’approche, on n’en finit pas de s’approcher, il semble toujours aussi lointain. On s’arrête à 1.5 km de lui, et pour le regarder de bout en bout, on pose le menton sur l’épaule gauche, puis on tourne la tête jusqu’à toucher notre épaule droite avec notre joue … comme ça on peut le voir en entier. Sa façade mesure tout simplement 2.2 km de long … Imaginez, 2.2 km. Pour les Rollois, ça fait 2 fois la longueur de la Grand Rue. Pour les Parisiens, ça représente plus de 7 fois la hauteur de la Tour Eiffel !! Hauteur de la façade, c’est dur à estimer, mais nous on dit « pas loin » de 140m. On cherchera les infos quand on aura du réseau.

On traverse des vagues d’eau douce et des vagues d’eau salée, qui colorent la baie de leur vert-canard plus ou moins foncé. Le tout saupoudré de flocons de glace, parfois gros comme un container. A ses pieds, un troupeau de phoques endormis. On aurait envie de se poser là pour la nuit, mais c’est toujours un peu dangereux de rester trop proche de ces murs de glace, ils peuvent tomber pendant notre sommeil, et potentiellement venir provoquer des dégâts, ou simplement remplir la baie et nous fermer la route.

Direction Orca Bay pour la halte de nuit, il parait qu’on peut y voir ours, élans, loutres, et parfois des dauphins (on ne verra rien). Les gars tentent une première approche de la pêche à la crevette, et partent poser le panier à 100m de fond, au bout de sa longue amarre et sa bouée. Bouée identifiée au nom du capitaine avec son numéro de licence de pêche ; obligation légale pour pouvoir pêcher sereinement. En fait, l’autre jour on se disait qu’on mange du poisson pour « pas cher » sur le bateau, mais à 3 licences pour l’année, il faut quand-même sortir du poisson pour les rentabiliser.

La baie est incroyablement calme, petite plage de prairie bordée d’une rivière, ilets aux cailloux bruns et gris, ourlés d’algues dorées, sapins partout, eau claire et limpide. On dort incroyablement bien, c’est tellement calme et silencieux, sans vent, sans clapot, sans bruit …

 

South Eshamy Bay
Samedi 29 juilllet

Ce matin en partant, les gars ont récupéré le panier à crevettes avec 10 petites bêtes prisonnières à l’intérieur. 3 grosses et 7 petites. Ça donne envie de recommencer et de trouver les endroits favorables … on va chercher ! En plus Robin et Amanda nous ont donné 2-3 spots où aller les pêcher, on n’a pas d’excuses pour ne pas y arriver.

Pendant que les lus remontent les 100 mètres de ligne, Hervé lui a mis sa canne à l’eau. 5 minutes plus tard, il nous dit « ah, je sens quelque chose, mais c’est bizarre, ça ne tire pas vraiment » … il remonte ses 100 mètres lui aussi, et au bout, un magnifique cod de 5kg. Qui ne se débat pas, il doit être un peu shooté par l’altitude, haha, pourtant il ne montre aucun signe de barotraumatisme extérieur : pas de gros yeux, pas de vessie natatoire qui lui ressort par la bouche. Il se laisse attraper par les ouïes sans rien dire, et remonter pour finir sa vie sur notre plage arrière. Hervé lui coupe la colonne vertébrale et le laisse là, mort, le temps de laisser les gars remonter leur matériel sur le bateau.

Une demi-heure après, il entreprend de lever les filets de ce beau morceau de cod, et voilà que le poisson se cabre … bizarre … on dirait qu’il est encore en vie. Ces contractures musculaires « réflexes » le feront battre de la queue encore longtemps après avoir été sorti de l’eau.

A peine remonté sur le bateau, c’est au tour de Hugo de mettre sa ligne à l’eau. Un petit moment plus tard, c’est à son tour d’afficher un grand sourire, et de remonter ses 100 mètres, avec une jolie morue au bout du fil … sauf qu’elle n’est pas accrochée à l’hameçon, elle était juste en train de mordiller le leurre … lorsqu’elle a aperçu Hugo, elle a dit « oh le beau gosse » en ouvrant grand la bouche, et elle est repartie tranquillement dans les profondeurs. Frustration totale du pêcheur !!!

Puis c’est Nathan qui s’y est mis lui aussi. Pareil, 100 mètres de fil, et puis voilà sa canne qui se courbe et se courbe et se courbe à en toucher l’eau, et Nathan qui s’extasie déjà devant la prise mahousse qu’il vient de ferrer. Il mouline, mouline, mouline, mouline, mouline, s’arrête, fatigué, mouline, mouline, mouline, mouline, transpire, respire, râle, c’est long 100 mètres !!! surtout avec un poids pareil au bout de la ligne … et hop, il mouline mouline mouline, et tout à coup, on voit une énorme gueule s’approcher de la surface. Elle est suivie par un long corps tout plat un peu en losange, brun tacheté de beige, ventre blanc, coulant de viscosité, deux yeux sur le même côté et une gueule de travers, un énoooooooorme flétan !
Il se débat à la surface, replonge, se démène, se calme, nous montre son long corps de 1m40, un bon gabarit de 40-50 kilos, et puis d’un coup de queue plus vigousse que les précédents, il réussit à casser le hameçon et se libère, replongeant dans l’eau vert-noir, nous laissant sans voix, perplexes, ébahis et surpris sur le pont.

Re-frustration totale du pêcheur !!!

Les trois hommes ont bien envie de recommencer et de remettre les cannes à l’eau, alors on change un peu de coin, et d’heure en heure, on pêche à gauche, on pêche à droite, et au final, plus aucun poisson ne se décidera à remonter sur le pont. Ni au jigg ni à la traîne.

Fin de journée dans le cockpit à Eshamy Bay, sous la bâche de pluie qui nous protège des quelques gouttes qui tombent du ciel, la température est douce, on y est bien. Apéro en pull sans avoir froid, grand plaisir d’un moment doux à l’extérieur, en compagnie de Longtemps sur l’Ô et des moustiques.

 

Pêche à la truite, pêche au saumon
Dimanche 30 et lundi 31 juillet … déjà !!

Un dimanche plein de soleil, du bleu du matin au soir, un temps incroyable pour l’Alaska, du moins pour l’Alaska qu’on nous avait vendu : gris mouillé et gris humide, deux tonalités de gris qu’on connaissait peu. Donc le gris bleu très bleu, on aime on adore ! Mouillés (mais secs, haha) à Eshany Lagoon, dans le fond de la baie, on profite pour se faire une petite balade au lac pour aller pêcher la truite.  Truite Arc-en-ciel parait-il. Allons voir !

On chausse nos bottes, nos pulls et nos moustiquaires portatives, magnifiques filets qui se posent sur nos têtes par-dessus nos casquettes, nos bear-spray à la ceinture, nos gants, cannes à pêche sur l’épaule et fleur au fusil.

On débarque à terre vers une petite maison construite là-haut au-dessus de la rive dans les sapins, et on y trouve deux jeunes qui vivent là 2 mois pour compter les saumons. Selon leurs infos, la pêche ouvre et ferme dans les baies avoisinantes, en fonction du comptage qu’ils font. Ils traquent particulièrement le sockeye et le pink, le chum faisant partie des « viennent ensuite et non considérés ». Ils partagent leur temps entre le petit barrage à saumon un peu plus haut dans la rivière, leur cabane dans les arbres, le zodiac avec lequel ils vont poser les filets à crevettes, et l’observation des ours. Puisque oui, ours il y a !

L’une des biologistes nous dit « ah, je vois que vous êtes bien équipés (elle regarde nos bear-sprays), c’est bien ! chantez et parlez, et vous ne serez pas importunés par les ours ! suivez les sentiers animaliers (donc les sentiers des ours … ! ) et vous arriverez au lac » ok … donc on part en parlant haut et fort, et au bout d’un moment les trois gars me demandent gentiment d’arrêter de chanter de parler de râler de radoter de crier de siffler de hululer de faire du bruit .. parce que vraiment, « comment peut-on apprécier la nature si tu fais tellement de raffut ?? »

C’est tout le paradoxe de ces balades alaskiennes … le plaisir d’être dans la nature, l’envie de l’écouter et de la savourer en la découvrant en silence, la paix qu’apporte une marche dans la forêt, la sérénité à fouler la terre et la verdure, et l’impossibilité de le faire sans faire de bruit, car notre sécurité en dépend … elles n’ont donc pas grand-chose de ressourçant ces escapades en milieu végétal …

Au bord du lac, pas de berge herbeuse et dégagée nous permettant de savourer ce petit coin de paradis, on avance sur les cailloux beige doré, à moitié dans l’eau à moitié sous les sapins, les gars lancent leur ligne plusieurs fois, et seules deux petites truites toutes jeunes remonteront à la surface, s’étant laissées attrapées par ce petit hameçon doré.

Après la pêche à la truite, on cueille nos premières blue-berry pas mûres, puis retour au bateau. Les gars partent poser les deux casiers à crevettes, en espérant une meilleure prise que la veille … Puis ils partent explorer une autre rivière, près que laquelle ils observent pas mal de traces d’ours … empreintes de pattes dans la boue, crottes, et se disent « mmmmhh, ils doivent se régaler par ici à croquer le saumon » … « et si on essayait nous aussi ? » donc ils ont joué à l’ours pêchant le saumon … : ils ont observé puis vu un poisson esseulé sous un arbre, qui tournait par-là dans sa grande flaque. Ils l’ont cerné, puis Hugo a tenté de l’attraper avec ses mains, le retenant du bout des doigts, … le poisson lui a échappé, est redescendu dans le courant. Un peu plus bas, Hervé et Nathan ont pris le relais, essayant à leur tour de l’attraper, Nathan courant à 4 pattes comme un ourson ; finalement Hervé l’a bloqué avec ses bottes et l’a envoyé sur la rive d’un coup de pattes, Nathan l’a rebalancé à l’eau, et Hugo l’a récupéré pour le relâcher là où il nageait à la base, tranquille dans sa flaque. Ils étaient heureux et joyeux tous les trois, en rentrant au bateau.

Repas dans le cockpit en t-shirt, sans moustiques, dans la douceur de ce jour qui ne tombe pas. Un petit phoque vient nous montrer sa bobine au cul du bateau alors que les croquettes de halibut viennent d’atterrir dans nos assiettes … purée de pommes de terre faite maison, halibut poché dans du lait, effiloché, le tout mélangé avec un peu d’oignon rouge et de piment vert, passé dans la chapelure et à la poêle, c’était long mais c’était bon !!!

Ce matin, lundi 31 juillet, départ de bonne heure après avoir remonté les paniers à crevettes (un gros bol plein de jolies crevettes pour l’apéro), on avance au moteur sur une mer super calme, à 2 nœuds pour une tentative de pêche au saumon. Quelques heures plus tard, les mecs remontent 3 lignes : une avec un magnifique Silver Salmon de belle taille, et deux juvéniles qui nous auront empêché pendant tout ce temps d’attraper de plus gros poissons. Des pêcheurs qui passent non loin de nous nous abordent pour nous offrir un Sockeye Salmon tout droit sorti de leur filet. Du coup, on remonte les lignes … on a bien assez de poisson à bord pour un certain nombre de repas !

Hugo passe les 2 heures suivantes à préparer différents gravelax (un classique baies roses et aneth, et un plus osé, citron et orange), et mettre les filets de poisson sous vide. Et comme il a aussi envie d’apprendre à faire du pain, on prépare tout ça en attendant d’arriver au mouillage de milieu de journée, pour aller au glacier Nelly.

On retrouve Longtemps sur L’Ô et après le dèj, on part avec eux à deux annexes pour remonter le long de la moraine et de la rivière, jusqu’au pied du glacier. On a bien 3 miles à parcourir au milieu des glaçons, et on apprécie de leur faire à deux bateaux, trois et trois, chacun bateau équipé de sa radio. On n’a pas de gilets de sauvetage, mais l’eau est à 17 dans la baie (bon d’accord, elle est bien plus froide au pied du glacier), mais il n’y a pas de vent, pas de vagues, et on reste proche les uns des autres.

Encore un moment magique, hors du temps, suspendus entre les centaines d’années passés et l’instant présent, entre ces masses de granit brut -gros blocs ou sable fin- et l’eau opaline où jouent les phoques, on se délecte de cet univers brut, minéral, sans intervention végétale visible à ce jour. La langue du glacier a reculé de 3 miles nautiques (pas loin de 6 km) en moins de cent ans … la roche n’a pas eu le temps d’être recouverte d’une couche fertile permettant aux herbes, arbustes et autres plantes de trouver un terreau fertile pour croitre et redonner vie à cette plaine aride, lunaire, sèche.

Le glacier craque, coups de canon sourds et puissants, il avance brutalement de l’intérieur, peu de chutes en façade. Certains pans de glace d’un beau bleu profond, crêtes turquoise trônent là-haut sous le ciel bleu, et entre deux, c’est un doux entrelacs de bleu crème blanc beige gris bleu pâle, ça explose en dents acérées ou au contraire, c’est doux et poli par le temps, tout dépend si le glacier est compressé ou au contraire, ne connait pas de frontières.

Retour au bateau en passant dire bonjour aux phoques, qui nous entendent arriver de loin et se glissent dans l’eau avant qu’on ait le temps de les prendre en photo.

On invite Réjane et Charly à venir prendre l’apéro vers 18-18h30, et puis on passe finalement la soirée à discuter de tout de rien à rire et à partager du bon temps malgré les moustiques qui nous assaillent, Nathan et Hervé dégainent leur « mosquito net », les super filets à moustiques portatifs qu’ils abordent fièrement, malgré leur allure loufoque … et pendant ce temps, tous les autres agitent leur casquette leur main leur chapeau pour faire fuir ces nuisibles volants assez énervants. Au final, les moustiques auront raison de nous, on capitule ! et c’est là qu’on réalise qu’il est déjà 23h15, … il fait encore jour, on n’a toujours pas pris nos repères dans ces longues journées alaskiennes. Et quel bonheur de ne pas voir le jour partir se coucher à 17h comme en Polynésie !!! d’autant plus qu’il ne fait ni froid ni humide, on savoure vraiment notre chance !!

 

1er aout à Deep Water Bay

 On traîne et traîne et traîne et on se traîne pour arriver à Deep Water Bay, on reprend notre vitesse de croisière à 2 nœuds, 3 lignes sont à l’eau, on espère attraper un deux saumons en route. Peine perdue … c’est pas aujourd’hui qu’on retravaillera la recette du gravelax !

On arrive à Deep Water Bay après 5 miles nautiques, une plage de sable blanc nous attend au soleil. Au pied d’un magnifique massif montagneux constitué de granit gris poli poncé griffé aplani par le passage des glaciers, de la pluie, du vent, du temps …

Il fait beau, il fait chaud, Hugo et Charly décident de faire du wake board. Hop en maillot de bain, petit pull lycra et on y va. Enfin, ils y vont ! Hugo commence, et quelques longues minutes plus tard il revient au bateau sans être tombé à l’eau ! aussi sec qu’au début de la session. Puis c’est au tour de Charly, qui goûte un peu la fraicheur de la crique. L’eau est à 13 ici ce matin. Ils enchaînent les tours de bateau et les minutes de plaisir se faisant tracter derrière l’annexe qui avance à fond, ils surfent la vague, glissent et dérapent, s’essayent à quelques figures et puis rentrent se mettre au chaud.

Déjeuner barbecue au soleil sur le pont : on déguste les 48 crevettes sorties des filets ce matin, la plus grande mesurant bien 15 cm sans les antennes. La plus petite, un petit 9 cm. Pas mal du tout !! Elles sont bio, elles sont fraiches, on connait parfaitement la chaîne d’approvisionnement et la traçabilité de ces petites bêtes délicieuses. Merci les eaux alaskiennes pour toutes vos richesses !!! Pendant le dèj, un ours noir déambule dans l’herbe au bord de l’eau, sous nos yeux, qu’est-ce qu’on est bien, là.

Balade à terre, grimpette dans les hauteurs pour aller découvrir ce qui se cache derrière le premier pan rocheux. Difficile de trouver le début du sentier, après une petite paroi rocheuse. On suit un sentier animalier, on cherche notre chemin, on revient sur nos pas et on en emprunte un autre. A priori, on suit la trace de l’ours. On trouve des kerns sur notre chemin, à défaut de panneaux indicateurs ou de réel sentier. Rochers très arrondis, très doux, sapins et sapins, surtout des sapins, de la belle herbe verte et moussue, des petits ruisseaux et des flaques XXL un peu partout. Petites buttes vallonnées que nous abordons avec nos cris pour nous annoncer, au cas où …

Zone marécageuse asséchée fleurie de nénuphars, des grands espaces de feuilles aplaties, pas trop de doute, on trouve la tanière de l’ours, mais pas l’ours. L’air est blindé de moucherons et moustiques, et comme il n’y avait pas de vent, une fois qu’ils nous ont trouvés ils ne nous ont plus lâchés !

On croise une petite rivière, l’eau est très transparente et ruisselle le long du granit rose rouge ; on avance dans une zone de morène très large, et on est finalement arrêtés par des marécages non franchissables.

Au retour, on récupère l’annexe qu’on avait laissée posée sur son lit d’herbe juste au bord de la plage, et on a l’impression de la récupérer en plein champ. Retour au bateau, avec un bain pour Hugo et même Nathan !! Son premier plouf dans l’eau tempérée de notre super été alaskien !

Hugo et moi on continue à se baigner tous les matins, l’eau est entre 11 et 18 degrés ces jours, c’est vraiment super agréable ! On a presque trop chaud dans l’eau, haha !

Et pour fêter ce premier aout, fête nationale suisse, ce soir on mange une délicieuse fondue ! la dernière … Ca va être long d’attendre la prochaine, ca sera pour cet hiver …

Mercredi 2 aout, on joue dans le vert et les rivières
Le long de Culross Island

La météo annonce gentiment la fin de l’été, le temps se remet au gris. Gris clair gris foncé gris moyen gris souris gris cailloux gris sable gris rochers, mais heureusement, pas gris mouillé.

On s’est arrêté dans une baie magnifique, pleine de petites iles perchées sur leur roche colorée, ourlée d’algues vertes et jaune vif. Dans la baie coule une rivière, à l’entrée de laquelle se pressent les saumons qui viennent frayer, mâles et femelles proches de la fin de leur vie, en pleine transformation, tous poussés par un seul et même élan : monter, toujours plus haut.

On remonte dans ce petit delta, le long de la rivière, qui quitte la forêt pour venir se jeter dans la mer, formant de jolis S dans la pente très douce. Sable, gravier, petits rochers, végétation marine, graminées hautes, troncs de sapin morts en travers de la rivière, arbres allongés sur la rive, la nature sauvage est magnifique. On marche dans l’eau, dans le sable, les gars commencent à courser les poissons et chasser les saumons. On dirait trois ours en sortie joyeuse entre potes, qui rêvent de passer à table. Ils observent, coincent, dévient, traquent et essayent d’attraper les saumons à main nue, à grand renfort de coups de bottes ou à l’épuisette. Trop marrant de vivre des moments comme ça. Quelle chance !

Raconte-moi Nathan comment tu as vécu ce moment de pêche dans la rivière, à courir après les saumons comme des ours : « euh, b’en rien de particulier »

Et toi Hugo ? « d’abord on a observé les saumons, ensuite on a essayé de définir quel était le meilleur point pour les attraper, ensuite le parisien en vacances a sorti son épuisette, pendant que les deux autres plus véloces ont couru après les poissons, et au final, en embuscade et à coup de coups de pieds dans l’eau, on a tous sorti notre poisson. Nathan en a même eu deux !!

Et toi Hervé ? « b’en facile, quoi »

Dans cette jolie rivière, on croise de drôle de poissons : à moitié pourris et encore vivants, des poissons mutants qui ressemblent à des gremlins, plus morts que vifs, les dents allongées et le dos transformé, qui changent de couleur de forme et de métabolisme. Ils ne sont plus très vigousses, font l’effort de sauter et nager à contre-courant, puis se laissent redescendre dans la rivière, fatigués, exténués, avant de recommencer. Ou d’être pêchés par un ours, ou par un aigle, ou par un Hugo ou un Nathan.

On passe un joli moment dans tout ce vert. Herbes hautes vert tendre, longues planches (d’où viennent-elles ?) recouvertes d’algues vert amande, roseaux, petits buissons touffus vert pomme, sapins vert sapin, mousses vert caca d’oie, arbustes verts pas vert, algues jaunes, et ciel de moins en moins gris.

On remonte sur le bateau, direction notre prochain mouillage pour la nuit, Goose Cove, où on va aller chercher de l’eau de source pour remplir les réservoirs. Comme les eaux ici sont trop douces, on ne peut pas faire tourner le dessal n’importe où. Aucun poisson ne vient mordre à l’hameçon pendant nos quelques heures au moteur, flûte alors ! ce n’est pas faute d’essayer, mais aujourd’hui pas de succès, la poissonnerie était fermée.

Jeudi 3 aout, en route vers les glaciers au nord de Whittier

On avance depuis ce matin à vitesse modérée, pour laisser les longs fils de nylon dans l’eau, on commence à manquer de saumon frais. Un dernier filet brut nous attend dans le frigo, 2 en gravelax prêts à être mangés, 1 au congelo … faut pas qu’on attende d’avoir mangé le dernier pour pêcher à nouveau, puisque le plaisir de la pêche ne répond pas toujours au besoin des estomacs.

Je « m’inquiète », mais à 8h du mat, Hugo nous remonte un beau Silver de 3k550 pour 60 cm, une belle prise !

Le temps gris et fermé joue à nouveau avec les collines qui nous environnent, les bancs de brouillard relèvent le relief, laissant émerger une pointe par-ci, un pic par-là, la silhouette de quelques sapins, le tout dans un jeu de bleugrisvertviolet foncé très doux.

En remontant dans le Port Wells, long fjord orienté Sud-NordNordEst, les nuages se déchirent petit à petit ; on aperçoit Serpentine Glacier dévoiler un long pan de roche grise, dorée, brune, tout doux, comme poli et sableux. Un peu de verdure sombre structure la pente qui descend jusqu’à l’eau, et les plaques de neige illuminent le tableau, tout là-haut.

De chaque côté de cette immense pente, deux glaciers se jettent à l’eau. L’un depuis sa falaise, plutôt morcelé, éclaté, composé de blocs de glace qui se fracturent de manière hérissée et de couches successives qui se compriment, un coup turquoise un coup blanc puis une petite couche grise, et on recommence … Comme une cascade gelée pétrifiée. L’autre vient de loin, du fond de la vallée, en trois grosses vagues successives à l’onde longue, il prend son temps et vient lécher l’eau doucement.

On en découvre un troisième sur la droite de la baie, qui lui aussi ressemble à une cascade.

De l’eau coule, bruyante, chantante, fracassante, elle tombe de haut, elle coule à gauche à droite devant en bas, partout ; de tous les côtés de la baie on observe les glaciers fondre et partir à la mer … leur eau laiteuse vient se mélanger à l’eau vert-canard de la mer, on flotte sur une eau grise.

Sur les gros glaçons, quelques phoques se vautrent nonchalamment, s’arquent par moment levant les pieds pour mieux lever la tête et regarder ce qui se passe autour d’eux. Dès qu’ils sentent la moindre menace, ils glissent sur le ventre, s’approchent du bord de leur growler et disparaissent dans l’eau. Ils ne doivent pas avoir trop de visibilité là-dessous … comme les loutres d’ailleurs, celles qui jouent autour de nous sans nous voir, et tout à coup, se redressent la tête étonnée et replongent de plus belle pour s’éloigner du bateau.

A nouveau, on passe un temps hors du temps émerveillés devant ces géants figés qui étonnamment ne cessent de bouger, de vivre, de craquer, de péter, de gronder, de s’alléger de quelques mètres cubes de glace ou de roche pour notre plus grand plaisir. On se tient quand-même à distance : on voit les blocs tomber dans l’eau bien avant d’entendre leurs énormes broum splash ploufff …

Nathan nous a préparé un bon repas qu’on déguste avec plaisir devant ce magnifique spectacle, au soleil, dans l’air tranquille, dérivant gentiment dans les courants de la baie.

Fin de journée à Serpentine Cove, où on se retrouve face à un glacier noir. C’est étrange. Tout là-haut dans la montagne les glaciers alpins très blancs sont bien accrochés et ruissellent le long de la paroi, et là, au pied de la montagne, entouré de sa moraine, le pied du glacier, noir, recouvert de poussière sable gravier rochers tombés de plus haut. C’est surprenant.  Les nuées jouent entre l’eau et le ciel, découvrant tour à tour des morceaux de la montagne, paroi noire blanche brune et grise, un peu boisée aussi.

Par erreur, j’ai jeté la tête et les restes du saumon de Hugo, qui étaient destinés au panier à crevettes … sacrilège !! du coup, ça nous motive pour aller se faire une balade sur l’estran, à la recherche de moules et coquillages qu’on pourrait mettre dans les paniers. On patauge une bonne heure avant que les moustiques n’attaquent trop, et on revient avec un seau rempli de mini-moules. Hugo les écrase un peu à coup de pierre pour les ouvrir, et y rajoute un peu de gras de lard, et des couennes de Gruyère Vieux … Les paniers passent la nuit à 60 mètres de fond, et on ira les rechercher demain matin. On vous dira si la recette a du succès auprès des crustacés locaux, haha ! on va peut-être faire avancer les techniques de pêche de manière significative, qui sait ?

Bon, je vais aller me coucher avec toutes ces belles images en tête, un peu frustrée de ne pas avoir pu prendre mon bain alaskien aujourd’hui, mais là, j’ai juste mis les mains dans l’eau cet après-midi, et je n’ai pas eu besoin du thermomètre pour confirmer qu’elle est très froide. Trop froide pour la fin de la journée. Ce matin, on était dans un fond de crique trop chargé pour m’y baigner … J’espère que demain sera un meilleur jour, en espérant encore un peu de beau temps ! En fait, depuis que Hugo est là, il nous dit chaque jour qu’on lui a menti sur le climat … on lui avait dit « froid pluie humidité vent » et il vit « soleil calme chaud » sauf un jour un peu breton. Mais là, on sait que la dernière semaine des gars sera une semaine automnale voire hivernale, la fin de l’été alaskien ne sera pas indienne …

Vendredi 4 aout 2023

Alors les crevettes : une vingtaine quand-même, malgré l’absence de tête de saumon dans le panier. Les deux plus grosses mesuraient 21 cm et pesaient 90 grammes chacune !! Comme quoi, ces petites bêtes sont curieuses, gourmettes ou affamées, voire de simples charognards … un changement de régime alimentaire ne leur fait pas peur, pour notre plus grand plaisir !

Et puis le plaisir du bain à nouveau, il fait 8.9 degrés dehors sur la plage arrière, il en fait 4.7 dans l’eau !! ca fait tellement de bien à force de répétition, le corps demande son petit shot tous les matins, haha.

On est descendus à terre avec les gars, pour aller voir ce glacier noir de plus près, ça nous titille ! Hervé nous pose dans le sable-vase proche des cailloux jaunes, à côté d’un sapin renversé sur le sol, la tête dans l’eau, comme drapé de vieilles fripes poussiéreuses. On se balade sur l’estran, en partie composé de sable, de gros blocs rocheux, de vase, d’algues et de quantité de moules en grappes, accrochées aux cailloux. Finalement, on ne s’enfonce pas trop dans la vase, la marche est aisée.

Hugo et Nathan avancent les yeux rivés sur les parties meubles du sol, sur la potentielle pistes d’animaux … ils identifient des cervidés, des gros oiseaux, et puis peut-être bien un loup ? on se pose la question, jusqu’à ce que nos guides nous révèlent que les traces des loups sont beaucoup plus allongées que ce qu’on a vu. Par contre, on ne compte plus les patounes des gros nounours qui peuplent ce joli coin de Serpentine … il y en a plein, de flaques en flaques, ils ne sont pas loin.

On se rapproche de cette langue de glace noire, qui dévale la pente depuis tout là-haut, dans le creux de deux pans montagneux de roche … noire, brune, franchement grise par endroit. Cette roche qui s’effrite et qui saupoudre tout ce qui est en contre-bas. Cette poussière noire, grise, brune, partout, qui se dépose et se fait emporter par l’eau de ruissellement, pour nous offrir une baie toute grise, laiteuse, opaque, on dirait un tapis de poussière de perle. C’est beau, c’est calme, la langue de glace ne chante ni ne craque comme un glacier, c’est plutôt le bruit des éboulis qu’on entend par ici.

Après-midi au moteur pour aller voir les glaciers Surprise et Harriman.

Surprise est coincé entre deux falaises, il est tout fracturé, strié, de larges bandes de roche noire le zèbrent, tout compressé. Il semble suspendu au-dessus de l’eau, on est à marée basse. Sa glace ne s’enfonce donc pas sous l’eau. Du moins pas de manière visible.

Harriman lui s’étale dans une vallée plus vaste, il prend toute la place dont il a besoin, il a l’air tout plat, légèrement bombé, mais c’est surtout qu’il est large et non contenu, ses bords sont doucement arrondis.

On aperçoit Longtemps sur l’Ô sur le chemin du retour et on file jusqu’à Pigot Bay, dernier stop avant la « ville » de Whittier où on veut refaire 1-2 appros, puisqu’on n’a plus de sucre ni de lait, et le sucre c’est important pour faire du gravelax !!

En arrivant dans la baie, juste après le dernier petit cap, Nathan nous sort son premier King Salmon de l’eau … Fier comme Artaban notre Nathan !!! et qu’il est beau ce poisson !! un obus gris scintillant, rose sous le ventre, le dos irisé de bleu, la tête sombre, foncée, la bouche noire … il mesure 70 cm et pèse 3.850 kg !! Belle bête !! Miam, on va se régaler ! Et surprise, quand Nathan lève ses filets, on découvre que l’énergumène à nageoires a la chair blanche … bizarre ça … On apprend plus tard que 5% des King Salmon ont en effet la chair claire, modification génétique qui les empêche de métaboliser la carotène … Ils ont beau manger des crevettes, des crabes et du krill, ils ne rosissent pas.

Et pour ceux qui se posent la question : il fait encore beau, haha ! on se régale de cette météo qui nous est tellement favorable !! Merci merci …

Samedi 5 aout 2023

Avant de partir pour Whittier on profite de cette magnifique météo pour aller se balade au fond de la baie de Pigot Bay, où deux rivières coulent depuis les glaciers plus loin plus haut. La marée basse nous permet de marcher sur l’estran, puis de rejoindre la rive caillouteuse et d’arriver à la rivière.

Les gars ont vu un ours noir se promener sur la plage ce matin, alors on fait attention. Et puis vu ce qu’on voit dans la rivière, on fait de plus en plus attention …

Les saumons sont nombreux, remontent le cours d’eau et le redescendent, selon leurs humeurs et les badauds (nous … ) qui mettent les pieds dans l’eau remuante. Les traces des ours sont visibles. Éminemment visibles. Herbes foulées, aplaties, poissons croqués, poissons griffés, poissons étêtés, empreintes dans la boue, restes de saumon dans les fourrés, sur les troncs d’arbre …

Au sens littéral du terme, nous mettons les deux pieds dans le plat du nounours, et heureusement pour nous, il ne nous en tient pas rigueur. On ne verra pas de poils noirs sur pattes autour de nous.

L’environnement est très particulier ici, toute la zone entre les deux rivières s’est affaissée lors du tremblement de terre de 1964, et le terrain a perdu 2 mètres d’altitude, descendant sous le niveau de la mer. Du coup, la forêt a été noyée et surtout brulée par le sel, et aujourd’hui, c’est une forêt fantôme que nous apercevons : juste des troncs de sapin blancs, toujours sur pieds, toujours dressés les uns à côté des autres, tendus vers le ciel, tout nus. Les bancs de terre sablonneuse sont recouverts d’herbe haute vert tendre, les méandres d’eau salée circulent à marée haute jusqu’aux pieds des sapins encore en vie un peu plus loin sur le terrain. Au-delà de la forêt vert sombre, les pentes des montagnes avec leurs glaciers suspendus bleu blanc gris, leurs forêts et parois rocheuses, le paysage est splendide.

On se met finalement en route pour Whitthier, et on a la chance d’y arriver avec un brin de soleil. Le glacier de Whitthier surplombe le village et l’arrose avec ses nombreuses cascades généreuses.

Whittier est au fond du fjord, acculé aux pieds des montagnes escarpées. C’est un village très particulier qui a été construit par l’armée, pour y loger un millier de soldats, et dont les structures ont ensuite été récupérées par la commune. Le principe de logement militaire est encore visible : les 300 habitants du village habitent tous dans le même immeuble ! Au sein duquel il y a tout le nécessaire vraisemblablement : fitness et autres facilités qui permettent de vivre dans un climat rude sans trop s’éloigner de chez soi.

Le village abrite une usine à poissons, une mini-épicerie « fourre-tout », un hôtel 2 étoiles, et un immense parking sur lequel les petits bateaux des particuliers sont parqués, entre deux parties de pêche.

Les crusing boats passent par ici 2 à 3 fois par semaine, et déversent leur flot de touristes pour des explorations auprès des glaciers du Prince William Sound, pour des journées de pêche, ou pour retourner sur Anchorage par le train. Un train par jour, un bus par jour, des cabanes de bois habillent le bassin du petit port, un chemin habillé de planches de bois surélevées permet d’en faire le tour, deux « cafés » avec terrasses abritées par une tôle offrent des fish & ships et des burgers, c’est vraiment un mini-bled. On y reste deux nuits et on s’en re-va pour une dernière semaine dans les fjords et les criques et les baies et les anses, loin de tout, proches de la nature.

Dimanche-lundi-mardi 6-7-8 aout,

Dimanche, il pleut toute la journée. On ne fait rien. Non, c’est pas vrai.

L’équipage de Mouez Avel vient prendre un café à bord pour partager des histoires des photos des infos à propos du PWS et d’ailleurs … On avait rencontré Hervé de Mouez à Chiloé, quand nous ressortions des canaux chiliens .. Depuis, il a fait un petit tour du Pacifique en passant par la Polynésie rapidement, puis la Corée, le Japon, et de là il est remonté sur les Aléoutiennes et puis Kodiak et le PWS … Tout seul. Chapeau. Il est plein d’enthousiasme et de pétillance, c’est toujours aussi sympa de retrouver son immense sourire et son côté « enfant ébloui ravi ».

On -je- fait la lessive, les courses dans la mini-épicerie, il y a tellement pas grand-chose là-bas qu’il faut y retourner 3 fois, Hervé cherche à comprendre pourquoi le propulseur nous lâche (c’est pas la batterie, c’est pas un soucis d’hélice, c’est pas le boitier de commande, c’est pas le fusible, … mais alors, c’est quoi ???? on est sérieusement enfoirés sur ce coup, on n’a plus de prop … ), alors que le guindeau fonctionne toujours (le guindeau, c’est notre système qui permet de monter et descendre l’ancre, et qui est couplé à la même batterie que le propulseur) … et pendant ce temps, les gars hibernent au fond du bateau.
Et puis on se fait un apéro dégustation de gravelax (King, Silver et Pink, avec infusions différentes) avec Réjane et Charly, et dégustation de rillettes de saumon, avec une belle partie de « 6 qui prend » et quelques verres de vin, c’est bien pour un dimanche sous la pluie … Ils vont finalement passer 2 saisons en Alaska, comme nous, on a de grandes chances donc de les revoir et de continuer à partager de joyeuses soirées. C’est cool !!

D’ailleurs, on parlait ensemble de météo et des réactions dont tout le monde nous fait part « quoi ??!?! vous serez dans le PWS jusqu’à fin aout ? mais vous êtes fous, vous allez être coincés là !! il y en a plein qui se sont fait prendre et qui ont dû passer l’hiver ici … » C’est vrai que les dépressions se rapprochent de plus en plus, et que les vents sont de moins en moins favorables à une descente au sud-est de l’Alaska, mais on fera avec ce qui viendra … et si on doit « manger du près » pendant 3 jours, ou faire du moteur parce que peu de vent, eh bien voilà, c’est ce qu’on fera. On n’a pas envie de se presser à tout prix et de quitter cette région magnifique, la nature y est si belle, une vraie invitation à la poésie et aux balades intérieures, ça serait vraiment dommage d’aller trop vite …

-Pendant que j’écris ça, en ce mardi soir 8 aout, la brume tombe sur la crique de Cascade Bay, deux ours noirs sont en train de se remplir la bedaine de saumons dans la petite rivière qui coule à côté de notre mouillage, les goélands partagent leur assiette, une cascade remplit la baie du bruit de sa chute … un peu plus tôt, c’était l’heure pour les nounours de la cueillette de fruits (plein de baies par ici, Salmon berries, myrtilles, et autres baies rouges, roses, violettes), cet après-midi c’était Hugo et Nathan qui pêchaient deux saumons pendant notre navigation, il y a vraiment de quoi savourer « la wild life » … –

Donc timing … donc non, on ne se presse pas, mais par contre, à partir du moment où les gars nous auront quittés et qu’on avancera en direction de Cordova, la sortie Sud.Est du Prince William Sound, on se tiendra prêts à décoller dès que la bonne fenêtre météo se présentera pour filer peut-être déjà en direct sur le nord des iles de Vancouver, et profiter là-bas des mois de septembre et octobre. Sans faire de stop du côté de Sitka ni de l’Inside Passage (ça c’est sûr que ce sera notre destination printemps 2024). On ne sait pas encore. A voir, à réfléchir …

Pour l’heure, on est donc à Cascade Bay, mardi soir ; lundi-hier, on a quitté Whitthier en début d’aprèm, direction plein Est pour rejoindre Esther Island où on a passé la nuit, mouillés sur l’une des bouées posées par la Hatchery de Lake Bay. Ce matin, le manager de l’écloserie nous a transmis plein d’infos très intéressantes sur l’élevage des 4 espèces de saumons dont ils s’occupent ici (tous sauf le Sockeye). Dans les environs directs de la Hatchery, les ours noirs et les lions de mer se régalent de tous les poissons qui attendent patiemment d’être pêchés ou de se reproduire. On a pu se balader un peu à terre, au milieu des arbres miniatures, des sapins, d’une végétation proche de la végétation patagonne, très moussue, et pleine de petites mares avec (ou sans) nénuphars.

Dans les nouvelles infos reçues au sujet des saumons : tous les poissons nés en élevage sont marqués pour être identifiés lorsqu’ils sont pêchés. Ce matin sous nos yeux : 132 millions de Dog Salmons en devenir, sous forme d’œufs récemment fécondés.  Autant à venir de futurs Pink Salmons dans 15 jours. Comment marquer autant de poissons facilement, rapidement ? tout simplement en variant la température de l’eau dans laquelle ils baignent, de manière drastique. Ces chocs de température (différence de 4 degrés seulement) créent une réaction dans la croissance de l’os crânien du poisson, qui « marquent » l’os sous forme de cercles concentriques (comme les arbres). Chaque Hatchery possède son « code barre » chaque année, et pose donc son sceau sur tous ses bébés poissons en jouant sur la température du bain. De la même manière, grâce à la gestion de la température de l’eau, les responsables de la Hatchery peuvent ralentir et accélérer le rythme de développement des alevins, et les préparer à sortir en eau salée et libre à la date qu’ils définissent.

Et la régulation de la température d’eau se fait par la combinaison des deux eaux issues du lac supérieur, où elles sont pompées à des profondeurs différentes, donc des températures différentes. Ce lac ne contient aucune truite ni autre animal, car il est « géologiquement » tout neuf, eau pure, donc ne représente pas encore un biotope favorable au développement de la « vie » …

Pour ceux que cela intéresse, tous les étés la Hatchery engage du personnel temporaire en quête de formation, ou d’expérience, ou simplement d’occupation, donc si vous voulez envoyer votre cv, on vous donne l’adresse, haha !

Mercredi 9 en allant à Cascade Bay tout doucement sous voile en profitant des airs légers pour ne pas avancer trop vite, Hugo nous a sorti deux magnifiques saumons bien bio bien sauvages bien en chair bien locaux : un Pink de 1kg500 et un Coho de 3kg900, long de 60 cm, bien dodu.

La météo est très humide, le ciel nous tombe parfois dessus mais pas trop fort ; on profite de ces derniers jours avec les gars pour observer encore deux beaux ours noirs pêcher à la rivière et manger des baies, jouer au milieu des goélands avec lesquels ils cohabitent parfaitement.

Une énooooorme cascade déverse ses mètres cubes d’eau à haut débit, dans un fracas qui remplit toute la baie ; elle est large, elle dévale les escaliers arrondis qui l’amènent de derrière la colline, on imagine que des glaciers haut perchés l’alimentent, mais comme le temps est sérieusement à la brume, on ne sait pas à quoi ressemble l’arrière-plan du paysage. L’eau du bain est à 13 degrés ce matin, et il y a pas mal de méduses … on voit des lion’s mane jellyfish (des méduses jaune pâle avec une longue crinière dorée) et des moon jellyfish (des petites lunes blanches avec 4 cercles sur le sommet du crâne et une légère dentelle sur tout leur contour. Le bain est rapide, l’eau verte peu attractive. Mais pas si froide que ça, haha !

Du coup, on décide de lever le camp pour tenter d’aller voir ailleurs si le ciel est plus bleu, l’herbe plus verte, et on repasse au travers du chapelet d’ilots au sein desquels les chalutiers s’en donnent à cœur joie. Ca pêche de tous les côtés, y compris devant nous dans un « goulet d’étranglement » par lequel on passe pour raccourcir la route. On est obligé de s’arrêter le temps qu’un patron pêcheur termine de poser son filet en travers du passage étroit, juste devant notre étrave. A 30 secondes, on pouvait passer, mais il est prioritaire, il est en manœuvre de pêche, donc on doit s’adapter. Et s’arrêter. Pas longtemps. Après avoir lécher les cailloux de très près, il commence assez vite à replier son filet vers le centre du passage, pour encercler les bancs de saumon. Le capitaine nous remercie de les avoir laissé bosser, pendant que ses mousses frappent l’eau de leur perche-clochée pour rabattre les poissons dans la nasse.

Courte sieste sur le pont sous mes vêtements étanches et sans pluie (c’est quand-même dehors à l’air qu’on sieste le mieux), pendant que Le Cap pêche et que les gars se tiennent au chaud, et puis on arrive à Perry Island, juste au sud de Esther Island. Ile sur laquelle il n’y a pas d’ours, alors on espère une météo à éclaircies pour pouvoir aller crapahuter dans les buissons et les fougères, et prendre un petit peu d’altitude.

Jeudi 10 aout, West Twin Bay à Perry Island

Journée complète au mouillage, entre brumes et crachin, intermittences sans pluie mais dans le gris, timides fenêtres bleues en fin d’aprèm.

Balade à terre dans les hauteurs pour changer un peu de point de vue, on gambade dans les mousses souples et les flaques d’eau, on crapahute dans la nature sans crainte et sans se soucier des ours, quel plaisir !!! Ca rend la balade beaucoup plus agréable de ne pas être sans cesse sur nos gardes …

Soirée jeux et pizza avec Réjane et Charly, que nous voyons vraisemblablement pour la dernière fois dans le PWS, puisqu’ils vont continuer leur route à l’Est pendant que nous faisons un retour arrière à l’ouest à Whitthier, et que nous ne reprendrons pas la nav avant le 16 aout au mieux. Un nouveau jeu découvert ce soir, très sympa, à jouer à partir de 4 (peut se jouer à 2 aussi mais c’est une autre énergie) : SEQUENCE. En gros, c’est un « puissance 4 » qui se joue à plusieurs, avec des cartes et un plateau de jeu particulier. En fonction des cartes en main, on doit réaliser une (ou plusieurs) lignes de 5, sans connaître les cartes de son coéquipier. Très cool ! et plein de suspens.

Pas de pêche aujourd’hui, pas d’animaux sauvages, hormis un oiseau qu’on a failli écraser, qui nous a bien démontré que « lorsque tu es immobile, on te repère moins facilement » … comme quoi, faire le mort ça marche bien …

La météo annonce des gros vents au sud du Sound après-demain, avec un bon 40 nœuds annoncé (50+ en rafales), et soi-disant du 10 nœuds à quelques kilomètres de là, dans les terres … tu parles Charles ! Donc il est temps de trouver un abri pour mettre les bateaux en sécurité. Donc pour nous d’arriver assez tôt à Whitthier, pour être certains d’avoir une place au port. Il y a beaucoup de pêcheurs en activités dans le Sound, qui pourraient vouloir venir se mettre à l’abri eux aussi … Et pour nous, double contrainte : on n’a plus de propulseur, donc les manœuvres peuvent être un poil plus compliquées par gros vent, et puis surtout, on va laisser le bateau seul quelques jours, le temps d’aller à Anchorage, donc il faut impérativement qu’on ait une « bonne » place au port.

Donc demain matin, dernier bain alaskien (pour Hugo) et puis hop, retour à Whitthier where every thing is …. Haha ! Bisous doux

Mercredi 16 aout 2023
On reprend la route à deux

Le temps des cerises est passé, celui des vacances avec nos lus est passé, et avec lui le temps des bonheurs de la navigation en famille, des parties de pêche, des découvertes dans la nature, des balades avec les ours, des heures de cuisine et des goûters gourmands. On a eu des longues semaines de partages et une chance immense de pouvoir les vivre, ensemble. La météo a été super clémente avec nous, elle a fait répéter à Hugo à l’envi « mais ?!?!? vous m’avez menti ! », on a savouré un Alaska ensoleillé et assez sec. Les derniers jours nous ont rappelé que l’hiver par ici doit être sacrément rude …

Quelques jours passés entre Whittier et Anchorage pour accompagner les gars, petit tour chez le dentiste et l’ostéo, visite au super musée d’Anchorage, quelques dollars dépensés au supermarché pour rapporter des légumes et de quoi poursuivre notre route, et nous voilà repartis en mer (ou plutôt sur le lac) pour finir de visiter le Prince William Sound. La météo nous pousse à ne pas trop traîner en route, mais il y a quand-même quelques stops incontournables, notamment le Colombia Glacier. Bon, on a quelques miles nautiques à courir, donc on va faire un stop en chemin.

On remet les lignes des cannes de pêche à l’eau dans les eaux poissonneuses qu’on a déjà parcourues, mais la chance semble avoir quitté le bateau … Notre première journée est un fiasco ! les saumons sautent tout autour de nous, devant à 50 mètres, derrière, bâbord, tribord à 200 mètres, partout partout, les pêcheurs en remontent plein dans leurs filets, et chez nous : nada ! Pffffff …

On réessaie le lendemain toute la matinée, et pareil : rien. On fait une dernière tentative au cap juste avant de s’engager dans le fjord pour monter au Glacier Colombia, et paf, en 10 minutes, avec d’autres hameçons (triples – trois hameçons au bout du leurre, plutôt qu’un seul), on remonte deux beaux Cohos ! 59 cm chacun, un gars une fille, 3k500 pour monsieur, 3k pour madame, avec ses œufs. Cool !! On a de quoi manger, oufff -haha- et de quoi préparer de nouveaux gravelax.

Jeudi 17 aout
Columbia … impressionnant !!

– Columbia … le raconter après-coup c’est compliqué, il faut se replonger dans les images, dans l’instant, dans l’ambiance … On y était encore avec Longtemps sur L’Ô. Oui, je sais, je vous avais dit que nos routes se séparaient, mais finalement non, c’est ça aussi le plaisir de la navigation à plusieurs bateaux dans un même périmètre … on se quitte, on se retrouve, on se requitte, on se retrouve avec grand plaisir. –

Donc Columbia …

Il est loin Columbia, tout au fond d’un très long fjord, 17 milles, pas loin de 30 km de canal bordé par de la roche assez douce, zebrée d’herbes et mini arbustes, collines derrière lesquelles au loin culminent les montagnes enneigées, le panorama est absolument fantastique. Hier on était en t-shirt tout bien au soleil, et là aujourd’hui le soleil brille toujours autant, mais le vent qui descend des glaciers nous rafraichit sérieusement ! on s’équipe en chaud et en étanche, parce que ça caille grave. Même Le Cap met gants et bonnet, c’est dire.

On monte monte monte tout le long de ce fjord vers le nord ; au nord-ouest sur notre gauche se découvre une vallée au sein de laquelle niche un glacier, belles pentes douces et vallonnées qui remontent de la mer vers les sommets enneigés ; les teintes de vert se mélangent aux milles nuances de bleu, les pans de neige et de glace illuminent le paysage, le structurent, ca nous pète aux yeux tellement c’est vif et lumineux.

En arrivant « en haut du canal », on est supposés arriver devant le mur de glace de Columbia, et là non, stupeur, en contournant la tête du canal, on découvre qu’on en est loin, très très loin. Preuve flagrante que les glaciers fondent et reculent.
Sur nos écrans, la balise AIS du bateau devant nous, qui lui doit être assez proche du glacier, le situe à 7km de nous alors que Myriades est déjà géolocalisé « à terre » sur nos instruments, donc d’après nos cartes Myriades serait échoué sur le glacier. Alors que non, je vous le garantis, on est bel et bien sur l’eau et encore loin des growlers et autres glaçons flottants.

Donc on continue la route, au moteur, on observe les lions de mer et les loutres qui dorment sur les glaçons, on slalome entre les morceaux d’eau gelée qui pourraient endommager la coque ou les safrans, et on s’approche doucement de ce mur de glace. On tourne la tête à gauche, en posant notre menton sur notre épaule, puis on tourne la tête à droite jusqu’à poser le menton sur notre épaule droite, et ce n’est pas suffisant pour embrasser d’un seul regard cette immense frange blanche qui vient se baigner les pieds dans l’eau froide. Instruments sous les yeux, on estime cette façade longue de 6 à 7 kilomètres. Immense. Impressionnante. On est sans voix. C’est majestueux. On observe à la jumelle et même là, on ne voit pas le bateau de touristes devant nous. C’est difficile de prendre vraiment la mesure de ce géant qui remplit toute la vallée, qui remonte doucement là-derrière, là-haut, là-bas, au loin …

Après une longue pleine et belle heure, où la gratitude, la joie pure et l’émerveillement s’entremêlent intimement, on décide de s’extraire de cette splendeur et on quitte à regret Columbia Bay. Merci la Vie, on est profondément heureux d’avoir pu bénéficier de cette météo incroyable pour rendre visite à ce géant glacé.

https://www.noforeignland.com/boat/myriades

 

 

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