Ours à Puffin Cove
3 septembre

On a peu dormi, on est partis tôt pour une navigation qu’on espérait chouette car il y avait un peu de vent, et puis la houle finalement n’était pas si douce que ça, le vent pas si fort que ça, ce qui fait qu’on a parcouru 40 n miles en mode machine à laver, et comme dit Laurent de SALAVIDA, j’ai dé-mangé mon petit-déjeuner suite à quoi je me suis enfouie au plus profond des coussins du canapé pour faire l’autruche durant toute la matinée ! Hervé a super assuré toute la route (au moteur, sans obstacles, parfois sous la pluie, et surtout en mode « parc d’attraction ») mille mercis mon chéri, moi je n’aurai pas pu !

Arrivés à Puffin Cove, il part pêcher, et attrape illico presto un joli Halibut, qu’on relâche, puis après la sieste il continue ses tentatives de pêche et nous rapporte un magnifique LingCod qui nous assurera 2 beaux repas.

Au fond de la baie, un magnifique énorme ours brun d’un beau brun foncé se balade sur l’estran. Imposant. Massif. Rond. Donc bien nourri … Curieux. Inquiétant. Il faut dire qu’on a regardé il y a peu le film « Grizzly Man » qui raconte l’histoire d’un gars investi par la mission de sauver les Grizzlys du côté de Geographic Harbor, qui a passé 12 ans de sa vie à vivre à leurs côtés et à se prendre pour l’un des leurs, et qui finit par être dévoré par un des ours … Donc on reste loin, et on ne tente pas d’approche, même en annexe. On le revoit en fin de journée, il est toujours aussi imposant. On aperçoit aussi un ours plus petit, peut-être un noir, peut-être un brun, c’est trop fugace. Pas assez de lumière. Non seulement le jour tombe vite maintenant (nuit noire à 20.30) mais en plus le mouillage de Puffin Cove est niché au pied de pans de collines-montagnes très verticales, ce qui fait qu’on est vraiment « encavés » dans la crique. Les thermiques jouent les catabatiques et nous font faire l’essuie-glace sur le plan d’eau.

Demain, on ne se réjouit pas, à nouveau 40 miles à courir dans les mêmes conditions de machine à laver, avec la pluie en plus ! faut qu’on prépare le plan de bataille, je ne vais pas à nouveau laisser Hervé assurer le tout et roupiller tout le temps … Après la journée de demain, on retrouvera la navigation dans des eaux plates, celles des canaux, et on s’en réjouit. Parce que finalement en bateau le plus pénible, ce n’est pas le vent, ou l’absence de vent, mais ce sont les vagues, la houle, tous ces mouvements d’eau qui nous font perdre nos repères et notre équilibre, et qui malmènent nos estomacs …

Bon, à propos d’estomac, c’est un peu l’heure de passer à table qui s’annonce, on va passer à l’action. Plein de bisous doux à vous et à tout bientôt

Lundi 4 septembre

En route pour Bear Harbour

Finalement, la mer ne nous malmène pas et le temps est plus sec que prévu, même si crachineux. La navigation le long de Baranof Island n’est pas confortable du tout, le Pacifique nord nous balance dans tous les sens puisque sa houle indomptée vient se fracasser contre la côte hérissée … du coup on se prend la houle, et la contre-houle (le ressac, en français). Avec ces vents faibles, le bateau ne peut pas s’inscrire dans son propre mouvement et subit complètement celui de l’eau … Mais bon, aujourd’hui c’est supportable, contrairement à hier.

Quand enfin on s’extrait de ce Pacifique ouvert et qu’on peut s’abriter à nouveau dans les canaux, on remonte le long d’un très long bras de mer, plein nord, direction Bear Harbour. Si on en croit les descriptifs, et si le lieu porte bien son nom, on devrait se régaler d’ursidés.

La baie est bien plus large et vaste que ce qu’on avait anticipé, du coup on se demande où on va bien pouvoir observer ces fameux herbivores carnivores omnivores poilus et sacrément griffus … Une première réponse s’impose, évidente : là où seront les saumons ! b’en oui, pardi.

On part en annexe explorer cette rivière qui remonte au fond de la baie, et qui s’enfonce très loin dans les terres. En regardant notre position sur la carte, une fois de plus on voit qu’on a quitté l’élément marin et notre GPS nous positionne sur le sol dur … et on voit très vite qu’ici les saumons viennent en nombre pour frayer et mourir … l’eau est emplie de cadavres blanc et gris, le ventre en l’air, le nez parterre (auraient-ils le ventre plus gras que le reste du corps, et la graisse légère ?), il y a en partout ! sous l’eau, à terre, dans l’herbe (qui est recouverte d’eau à marée haute) … immonde et affreux. Et puis ça pue en plus … On avance aussi loin qu’on peut avec l’annexe, on arrive au milieu d’une vaste plaine, pas d’ours à l’horizon, mais beaucoup d’arbres qui peuvent abriter Teddy et ses copains … S’ils ressemblent à notre ours de Puffin Bay, on préfère rester loin d’eux … On décide de revenir à marée basse, retour au bateau.

Autour de nous, tout est silence. Pas de chants d’oiseaux, pas de bruits humains, pas de vent, pas de feuilles qui remuent, de temps à autre le souffle d’un phoque gris qui s’approche curieusement et craintivement, les blablas des loutres de mer qui se toilettent en chœur, c’est d’un calme magnifique.

Après une nuit super calme, pas de bain dans l’eau parce qu’elle est trop pleine de tous ces débris de saumons morts pas loin, mais une séance de yoga sur le pont, dans le soleil et la brise fraiche matinale, et puis douche fraiche aussi à l’extérieur. Quand on aime avoir des gestes amples et libres pour ces moments de détente yoggique, c’est compliqué de trouver son lieu et son équilibre sous collants, double pull et capuchon, sur une surface qui n’est pas plane et qui bouge tout le temps, mais quand le soleil se mêle à ces instants, c’est du pur bonheur de pratiquer au grand air.

Un ours (brun ? noir ?) sur la plage !! vite, on s’équipe (habits étanches, appareil photo) et on s’avance doucement sous son vent avec l’annexe. Il va et vient, au gré des poissons morts qu’il trouve le long de la rive, dans l’herbe basse et sur les cailloux. Il choisit les poissons les « moins morts » possible et les meilleurs morceaux : il grapille les œufs des saumones, c’est son met de prédilection. Tant qu’il ne nous a pas vu, on peut s’approcher tranquille, on se ravit du spectacle. Mais tout à coup il lève la tête, nous calcule, et part en courant. Se réfugier dans les sapins à 30 mètres de la rive. Caché derrière son rideau de verdure, on ne peut plus le voir … Flûte alors !! On ne pensait pas qu’il serait si craintif …  Et au fait, c’était un gros ours noir. Plus élancé que son cousin l’ours brun, tête et museau plus fins, non c’est décidément pas la même tronche.

On tente d’aller explorer la rivière à marée basse, mais comme je viens de l’écrire, on est à marée basse ( !) et donc très loin de là où nous étions hier en annexe. Ca veut dire qu’il faut avancer à découvert sur un lit de saumons morts, de boue, d’herbe, tout en sachant que les ours ne sont pas loin puisqu’on vient d’en voir un. Il a beau être très craintif, je le suis autant que lui (si ce n’est plus) car on est sur son territoire et dans son assiette …

Hervé n’arrive pas à me convaincre de continuer à avancer, il faut dire qu’on a regardé le film « Grizzly Man » il y a peu de temps, et ça refroidit carrément nos ardeurs d’explorateurs … Vous trouverez facilement ce film-documentaire sur le net, qui relate la vie de Timothy Treadwell. Il a passé 13 ans chez les Grizzly à tenter de les approcher au plus près pour mieux les observer et mieux les défendre ( ?) … et qui finalement a été tué par eux.

Donc retour sur Myriades et puis départ, direction Ketchikan d’ici quelques jours. La route est longue pour y arriver, dans des canaux qui peuvent être sujets à des vents et des courants importants, alors on avance tant que la météo est avec nous.

Mardi 5 septembre

Business as usual …

 

Après avoir quitté l’ours noir et les saumons morts, le soleil continue de nous accompagner toute la journée, c’est un immense bonheur !

Sur le coup des 17-18h, on arrive à notre mouillage du soir, et la lumière dorée nimbe toute la nature dans sa délicatesse poudrée, c’est splendide. Le vent est très léger, la mer quasi plate, les pygargues causent et debriefent de leur journée dans les sapins, les loutres de mer mangent leur coquillage en nageant sur le dos, en les cassant avec le caillou qu’elles ont toujours dans la poche, les goélands se marrent et s’envolent au signal dont ne sait qui, j’entends 3 grognements typiques des ours, mais n’en voit aucun.

Toute la journée, on a aperçu au loin des souffles de baleines, pas très loin de nous mais trop loin quand-même pour voir les baleines …

Une fin de journée toute douce, sur une mer aussi lisse et poudrée que les fesses d’un bébé (a-t-on encore le droit d’écrire ça !?!?), dans la lumière qui diminue au même rythme que le soleil descend à l’horizon devant l’étrave de Myriades, derrière une petite ligne de sapin en ombres chinoise ; le bleu laisse sa place au rose au jaune au violet, les loutres cessent de grignoter autour de nous, les pygargues se taisent, le soleil se couche, la lune se lève, un souffle de baleine pas loin nous souhaite une bonne nuit, c’est tellement bien, tellement beau.

Mercredi 6 septembre

Les joies alaskiennes – ton de l’affirmation : acidulé

 

C’est beau, c’est magnifique, c’est grandiose, et on a très fort envie d’y revenir, mais …

Le premier mais (avec un s), c’est qu’en fait on avance beaucoup beaucoup beaucoup au moteur … soit les vents sont contre nous, soit il y a n’a pas. Vous allez dire que je suis un peu binaire sur ce coup-là, mais je ne suis pas loin de la réalité malheureusement … Du coup, l’intérêt du voilier (mu par les forces d’Éole) est limité (hormis le fait qu’on a un faible tirant d’eau et qu’on peut aller partout).

Le deuxième mais (toujours avec un s), c’est qu’il y a peu de possibilités de marcher, de faire de l’exercice, de se bouger et dégourdir nos jambes. Par manque de terre sur laquelle marcher, par présence d’ours qui freinent nos élans, par présence important de forêt primaire qui descend jusqu’à la grève, par absence de grève aussi, … c’est un gros mais pour moi.

Le troisième élément, et non des moindres, c’est le soleil. Quand il est là, c’est absolument grandiose. Quand il n’est pas loin, et qu’il joue avec la brume et les nuages, c’est magnifique, il révèle les paysages avec une poésie fantastique, qui me laisse rêveuse, songeuse, sans voix, juste dans la gratitude de pouvoir vivre cette beauté. Quand il n’est pas là, et qu’il cède sa place à la pluie, j’avoue que ça tombe vite sur le moral de l’équipière. Le Cap est plus imperméable à ces humeurs du ciel, moi j’en suis sérieusement sous influence … dépendante au soleil la fille ? accro à la lumière, la chaleur, la douceur de cet astre ? oh oui !! mais je sais aussi patienter quand les nuages sont bas, et ne pas oublier qu’il est toujours là, même si moins visible …

Donc aujourd’hui, en ce 6 septembre, les trois conditions sont réunies : on est au moteur depuis ce matin 6h, on ne peut pas bouger en dehors du bateau, pas marcher, pas se défouler, mais le soleil a finalement choisi de venir nous rejoindre sous le coup de midi, et de pointer ses rayons hors de la brume pour notre plus grand ravissement ! Vive l’Alaska ! On longe les canaux, on se faufile entre les iles, on est entourés de sapins, de près de loin, l’eau scintille sous le soleil, on a mangé des burgers de lingcod délicieux et un banana bread aux agrumes, c’est pas mal pour un mercredi alaskien …

 

Jeudi 7 Vendredi 8 septembre, on passe à Ketchikan

 

On s’arrête à Ketchikan, tout d’abord intéressés par cette ville qui est la seconde ville du sud-est de l’Alaska, et par l’envie d’y découvrir d’autres richesses propres aux Tlingits, ces amérindiens natifs de cette région. Leurs mâtes totémiques, leurs masques, leur culture … Il parait que leurs musées et centres culturels sont magnifiques. Mais, mais … mais on réalise aussi que cette ville est la première porte d’entrée alaskienne pour les touristes qui arrivent par le sud dans ces énormes immeubles flottants, et beaucoup de choses dans cette bourgade de 8’000 habitants nous semblent totalement factices.

On a sorti les vélos du bateau pour faire le tour du lieu et avoir une première impression en faisant le « tour du centre-ville » et on a le sentiment de se promener dans une ville « en carton-pâte », comme un décor de Disney Land. Les jolies façades de bois peintes de couleurs plus ou moins vives, derrière lesquelles se cachent des constructions sommaires et mal finies, des ribambelles d’enseignes diverses attirant le chaland, bijouteries (il y a des mines alentours), arts traditionnels avec la sculpture de bois, boutiques à saumons, boutiques gadgets, boutiques dédiées à la chasse, vendeurs d’aventures, promenades pavées de bois longeant tout le bord de mer, avec les 5 quais dédiés aux navires de croisière (qui mesurent entre 200 et 350 mètres !!! vous imaginez le monde à bord qui se déverse dans la ville par vagues vomitives ?), évidemment l’industrie de la pêche est présente aussi, avec les usines à poissons intégrées dans la ville. Pas très attractif ni inspirant tout ça … Il reste aux alentours une grande possibilité de balades variées, trecks plus ou moins engagés, une nature à découvrir. Et ça, on n’est pas « allé voir ».

Comme la météo nous incite à avancer avancer avancer pour arriver dans les canaux au sud-est de Prince Rupert avant les vents forts (20 nœuds selon ECMWF et 40 nœuds selon GFS, allez savoir pourquoi une différence du simple au double selon le modèle météo choisi …), on choisit de ne rien visiter à Ketchikan (hormis le super-marché et la laverie) puisqu’on y passera à la prochaine saison. On se fait juste un bon restau pour le plaisir de manger quelque chose de goûtu et différent, et ô bonheur, en ayant juste le plaisir de mettre les pieds sous la table.

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